Question migratoire : L’Espagne à contre-courant du reste de l’UE

24/10/2024 mis à jour: 19:17
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Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol

Favorable à une politique d’accueil pour des raisons principalement économiques, le gouvernement de gauche espagnol fait figure d’exception sur la question migratoire au sein de l’Union européenne, à rebours du durcissement opéré par de nombreux pays du bloc.

 «Il y a des gouvernements européens qui se trompent en abordant le débat sur l’immigration, parce qu’ils le centrent sur des aspects négatifs (...) en associant l’immigration à l’insécurité», a affirmé hier le Premier ministre socialiste, Pedro Sánchez, lors d’une conférence de presse à Faro (Portugal), à l’issue d’un sommet bilatéral avec son homologue portugais, Luis Montenegro.

En ligne de mire du dirigeant socialiste : le plan de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, pour envoyer des demandeurs d’asile dans des centres situés hors de l’UE, ainsi que les politiques de plus en plus restrictives défendues par ses homologues européens.

Lors d’un sommet la semaine dernière à Bruxelles, les 27 ont ainsi haussé le ton contre l’immigration irrégulière en appelant à «agir de manière déterminée, à tous les niveaux, pour faciliter et accélérer les retours» dans les pays d’origine, dans un contexte de poussée de l’extrême droite dans de nombreux pays européens.

Un discours que rejette M. Sánchez. L’installation de centres d’accueil hors de l’UE «ne résout rien et crée de nouveaux problèmes», a-t-il dit à Faro. Mettant en avant le déclin démographique de l’Europe et affirmant que «près de 50% de la croissance économique de l’Espagne ces 20 dernières années proviennent de la contribution de l’immigration», il a estimé «impératif que l’Europe construise un discours positif» sur ce thème.

«Cas unique» 

Ces propos illustrent le positionnement singulier de l’Espagne, «un cas unique dans le contexte européen», puisque les migrants illégaux peuvent y obtenir un titre de séjour après seulement trois ans de résidence, souligne Blanca Garcés, chercheuse au Centre d’études internationales de Barcelone (Cidob).
En Espagne, l’immigration n’a pas alimenté la polarisation politique autant que dans la plupart des autres pays d’Europe : le parti d’extrême droite Vox, très hostile aux migrants, a ainsi initialement gagné en popularité pour d’autres raisons, comme la crise séparatiste en Catalogne, rappelle la chercheuse. Mais le Parti populaire (PP), principale formation de l’opposition de droite, s’est aligné sur la surenchère de Vox et la situation est en train de changer, puisque l’immigration, selon un récent sondage, serait maintenant le sujet d’inquiétude principal des Espagnols. 

M. Sánchez court ainsi le risque d’être en porte-à-faux vis-à-vis de son opinion publique. Pour l’heure, la singularité de l’Espagne s’explique, selon Mme Garcés, par son histoire, marquée par une longue tradition d’émigration et un fort attachement aux droits humains depuis l’avènement de la démocratie en 1975. Mais elle est aussi liée aux besoins de son économie, et notamment du tourisme et de l’agriculture, qui manquent de main-d’œuvre.

 «En Espagne, il y a 150 000 emplois vacants», a lancé M. Sánchez hier. 
Il avait effectué fin août une tournée en Mauritanie, en Gambie et au Sénégal – principaux pays de départ des migrants clandestins vers l’archipel espagnol des Canaries – pour aider au développement de la «migration circulaire».

Il s’agit de permettre à des migrants de travailler en Espagne avec un contrat pendant une période limitée pour répondre aux besoins d’un secteur précis, avant de rentrer chez eux. Le but est de réduire les arrivées illégales, surtout aux Canaries, débordées par l’afflux de migrants.


M. Sánchez a «une vision pragmatique», tant sur le plan économique que politique, juge Gemma Pinyol-Jiménez, du centre de réflexion InStrategies, pour qui, le Premier ministre a tout intérêt à développer un discours à rebours de l’extrême droite. A défaut, «les gens finissent par voter pour l’original», affirme-t-elle. 

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