Quand Poutine fait oublier ses prédécesseurs

13/02/2023 mis à jour: 12:50
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Les médias occidentaux sont-ils vraiment insolents et incorrigibles ? Il faut bien le croire. Car du temps de Brejnev déjà, ils s'escrimaient, non sans arrière-pensées, à mettre en exergue l'Armée rouge, ce mastodonte soviétique, froid, déferlant et menaçant d'écraser tout sur son passage. De quoi susciter la peur et l'angoisse au sein de leur opinion publique, assaillie de propagande, en lisant des articles effrayants et en recevant des échos non moins inquiétants des radios et télés annonçant l'enfer sur terre. 40 000 chars soviétiques prêts à franchir la frontière de l'Allemagne de l'Est pour se jeter sur l'Europe. Avec l'appui de quatre millions de soldats, une quantité de missiles nucléaires, derrière eux, et que toute cette armada, lorsqu’elle s'ébranlera, marchera triomphante et glorieuse. Cette image apocalyptique, la presse la déclinera peu après la chute du mur de Berlin. Les plus avisés à l'époque n'y voyaient qu'une autre entourloupette médiatique. Car, qui, honnêtement, penserait que les «vieillards», qui trônaient au Kremlin, arthrosés et ankylosés pour la plupart, depuis Andropov jusqu'au fantasque Eltsine, noyé dans ses frasques éthyliques, plus près de l’impotence que de l'intelligence vive, pouvaient se mettre à la hauteur de leur armée. Leur souci premier étant de gérer sagement leur carrière politique, plate et sans relief en surfant sur leur capacité à survivre, en rusant, en évitant les chausse-trappes en évinçant leurs rivaux, en fermant les yeux sur la corruption et les abus. Ce sont ceux-là qui ont gouverné un pays puissant, fort, mais sans ressorts. Qui ne pouvaient même pas relever le défi, dans la guerre, sans gloire contre l'Afghanistan, qui dura plus longtemps qu'eux. Quelques décennies plus tard, bien que déstructurée, l'Union, non plus soviétique, mais dirigée par un habile soldat, issu du KGB, Poutine en l'occurrence, n'ayant pas perdu ses années, du moins les trois quarts de son existence, à préparer sa promotion, s'est érigé en homme providentiel, en redonnant à son pays désagrégé et presque condamné au bas-côté de l'histoire, son prestige et son honneur souillés. En y ajoutant l'éclat et l'influence que lui avaient fait perdre ses prédécesseurs vieillards, en bout de course, qui ont réussi la gageure de disloquer la grande URSS, tombée en désuétude et ne faisant plus peur. Le nouvel homme fort, après l'échec des négociations avec les Américains, attaque soudainement l'Ukraine le 24 février 2022, cela fera une année, dans dix jours. Son objectif, créer une zone tampon avec l'Occident et y établir son influence face à la menace de l'Otan, venue brouter presque dans son pré. Lui brouille les cartes et les avance parfois énergiquement, fidèle à son tempérament, décrypté, lors de sa carrière au KGB, où il était catalogué comme «aventurier et prenant trop de risques». Il a dit à ses proches, avant l'attaque : «L’Ukraine est une menace qu'il vaut mieux gérer maintenant que plus tard, lorsque les forces ukrainiennes seront mieux équipées.» De plus, les sanctions économiques brandies par l'Occident agaçaient le Kremlin. En arrière-fond, Poutine jurait de redonner sa grandeur à la Russie en effaçant l'image abîmée laissée par ses devanciers. Il est peu probable qu'il s'arrête en chemin, même si ce chemin est de croix, puisque au-delà de l'OTAN qu'il qualifie «de tigre de papier», le nouveau «tsar» de Russie a l’ambition d'étaler son influence sur l'Afrique, en commençant par détricoter celle des Occidentaux, dont notamment la France, tout en s'attirant les sympathies africaines. L'Occident, relève-t-on au Kremlin, «n'a pas appris les leçons en Afghanistan et aux Balkans». Sans doute parce qu'il se fait une autre image des autres, selon ses propres critères. «L’Europe a un ventre dont le nombril est à Bruxelles, mais elle n'a pas de bras, elle ne peut garantir chez elle l'ordre civilisé qu'elle prône ailleurs», persiste-t-on à dire dans l'entourage de sa majesté Poutine, qui a un autre souci. Démographique, celui-là. En 2022, la Russie comptait 145 millions d'habitants et une crise de naissances. Selon les prévisions, elle devrait perdre 15 millions d'habitants d'ici 2050. Un tracas de plus pour le maître du Kremlin qui a estimé : «Pour un territoire aussi vaste, c'est tout à fait insuffisant.»

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