En Autriche, l’Etat de Carinthie, au Sud du pays, se soucie particulièrement de ses abeilles. Ce n’est pas tant leur santé qui préoccupe les habitants du coin, mais plutôt leur couleur. Ici, une véritable lutte pour conserver la pureté génétique des abeilles de couleur claire face aux des abeilles foncées déchaîne les passions, rapporte le New York Times. L’affaire est très sérieuse. La loi de l’État autrichien de Carinthie fait tout pour que toutes les abeilles de la région soient uniquement des abeilles mellifères carnioliennes, avec leurs abdominaux gris clair, une espece à la fois docile et adaptée pour le climat alpin. C’est même depuis 2007 la seule sous-espèce que la loi de l’État autorise dans la région. Les autres, plus foncées, risquent l’éradication pure et simple, ce qui n’empêcherait pas certains apiculteurs de l’État d’importer en cachette ces sous-espèces potentiellement plus productives. La chasse aux ruches impures est lancée. Cette loi drastique divise les apiculteurs. D’un côté, les défenseurs de la pureté génétique des abeilles carnioliennes craignent le caractère agressif que pourraient avoir des espèces issues d’accouplements mixtes. De l’autre, ce sont les nouvelles caractéristiques bénéfiques que pourraient acquérir ces abeilles en se mélangeant, comme une meilleure santé et un rendement décuplé, qui sont mises en avant. Et ces derniers n’hésitent pas à voir en cette loi l’écho du passé nazi de la région. «C’est une dictature raciste, tout comme sous les nazis», peste auprès du New York Times le responsable d’une association apicole dans la vallée de Lavanttal, où 10 poursuites judiciaires sont en cours contre des apiculteurs accusés d’héberger des ruches impures. L’apiculteur en chef du troisième Reich, Gottfried Götze, était notamment connu pour sa passion pour les abeilles mellifères carnioliennes, dont le miel seul était autorisé à être fourni à la Wehrmacht. La chasse aux abeilles foncées entraîne dans son sillage des vagues de dénonciation avec, parfois, des photos prises en cachette chez les apiculteurs qui hébergent des ruches impures. Si les détenteurs d’abeilles mixtes risquent aujourd’hui jusqu’à 5000 euros d’amende, ce sont surtout les abeilles qui pourraient bientôt perdre gros. En vertu d’une nouvelle loi soumise, il y a peu, à l’approbation du Parlement de l’État, les autorités pourraient éradiquer toute la ruche incriminée s’il existe un «danger imminent» d’accouplement mixte. L’actuelle loi prévoit seulement le remplacement des reines impures.