Le 22 novembre 2022 fut publié aux éditions Frantz Fanon un livre intitulé La politique étrangère de l’Algérie 1962-2022 par Amar Abba. L’auteur est issu d’une longue carrière dans la diplomatie algérienne, notamment en qualité d’ambassadeur à Dar Essalem, Athènes, Moscou et Londres. Aujourd’hui retiré de la scène diplomatique, il enseigne à l’Institut diplomatique des relations internationales, (IDRI). Ce livre de 440 pages, préfacé par Abdelaziz Rahabi, se veut comme la mise en écrit d’une histoire souvent ignorée du grand public. En effet, si nous avons pour habitude nous observateur, à travers les différents canaux d’information qui composent notre temps, de voir des directions politiques se dessiner, des alliances se former, des divergences se composer et des relations se normaliser, le plus important est dans les coulisses, car la diplomatie est un métier d’arrière-scène. Ce livre est construit en trois parties pour 14 chapitres tous documentés et enrichis d’une importante bibliographie qui va dans le sens de la problématique qu’énonce l’auteur dans son sous-titre ; des exigences de la révolution à la realpolitik. En effet, en 1962, si l’Algérie est un exemple de lutte pour les différents peuples du monde qui veulent se libérer du joug colonial, il y a des choix qui doivent être faits en termes de paradigme et de doctrines politiques à adopter. Ces choix ne peuvent être hasardeux dans un monde bipolaire. Ils se composeront, comme l’explique l’auteur, en se fondant sur des paramètres qui ne sont plus idéologiques mais réels. Tout Etat fait la politique de sa géographie, et la géographie de l’Algérie indiquait une appartenance nord-africaine, méditerranéenne et subsaharienne. Cet ouvrage retrace comment, durant 60 ans d’indépendance, l’Algérie défendra dans son action diplomatique une vision multipolaire du monde, le respect de la souveraineté des nations et un non-alignement sur l’intérêt des blocs Est et Ouest, tout en multipliant les partenariats, les alliances et les amitiés. Avec la Russie, ce pays, si lointain mais si proche, c’est une relation stratégique qui se noue, mais qui peine à intégrer l’élément économique, chose qui a tendance à changer aujourd’hui avec l’intégration du cadre économique comme premier déterminisme de souveraineté des nations. En effet, la souveraineté nationale aujourd’hui est du fait de la réalité économique des pays, la Chine en est le parfait exemple. Avec la Chine, en plus de l’aide militaire durant la guerre de Libération, c’est une relation dominée par le commerce et la réalisation d’infrastructures. Avec les Etats-Unis, la question est beaucoup plus sensible, car la relation a tendance au changement au gré des présidents. Après la maîtrise de la réalité géographique, c’est donc la nature des relations avec les pays qui dictent la dynamique du monde qui se pose. Ce livre démontre que si les partenariats se multiplient sur la scène régionale, continentale et mondiale avec les pays du Nord et du Sud, la politique de l’Algérie indépendante est une et unique. Un non-alignement aveugle sur le seul intérêt des grandes puissances, la défense d’un ordre mondial multipolaire au temps de la bipolarité, et le travail pour des relations entre Etats régies par le droit international. Mais c’est aussi un combat pour la défense de la souveraineté des nations ainsi que la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes contre toute forme d’asservissement et de domination extérieure. Ce livre est d’une actualité telle que l’adhésion de l’Algérie aux Brics est soutenu par ses premiers partenaires, mais surtout démontre 60 ans de cohérences diplomatiques. Comme l’explique Abdelaziz Rahhabi dans la préface de l’ouvrage, ce livre arrive à point nommé et vient combler un vide. Il procède à un balayage complet des 60 années de politique étrangères de l’Algérie indépendante, et constitue un effort sans précédent de présenter l’ensemble des aspects de cette politique étrangère qu’ils soient bilatéraux, régionaux, et multilatéraux et des moyens mis au service de cette dernière. L. Tarek