Plus jamais de pouvoirs en compétition en Tunisie ; ils sont tous au service du peuple dans le cadre d’un Etat uni. C’est ce qu’annonce le projet de la nouvelle Constitution, finalisé par la commission consultative.
Les hautes autorités de l’Etat sont des fonctionnaires, élus ou nommés, pour servir le peuple dans leur domaine d’activité. «Nulle institution ou pouvoir ne constituera plus un Etat dans l’Etat», a expliqué le professeur Sadok Belaïd, président coordinateur de l’Instance nationale consultative pour une nouvelle République, avant-hier soir sur un plateau de la télé nationale. Sadok Belaïd venait de remettre le projet de la nouvelle Constitution au président tunisien, Kaïs Saïed, qui ordonnera sa publication au Journal officiel avant le 30 juin et la soumettra au peuple dans un référendum le 25 juillet prochain.
Esprit
Le président Saïed a souligné, en marge de sa venue hier à l’aéroport pour saluer les premiers pèlerins, que «le pouvoir fondamental est détenu par le peuple, alors que toutes les attributions de tâches et les institutions, qu’elles soient législatives, exécutives ou judiciaires, sont des fonctions pour servir le peuple». Saïed a ajouté que «les deux principales exigences pour instaurer la démocratie, c’est l’équilibre des fonctions et les réponses positives aux aspirations socioéconomiques des Tunisiens».
Le président tunisien a reproché aux anciens gouvernants de «se limiter à poser des textes, sans les faire suivre par des décrets d’application, privant ainsi les citoyens de l’essence de ce texte».
Allant dans le même sens que le président Saïed et le professeur Belaïd, le constitutionnaliste Amine Mahfoudh, membre de l’instance ayant élaboré le projet de la nouvelle Constitution tunisienne, a considéré hier dans une déclaration à l’agence TAP que le texte du projet proposé au président Saïed «vise à instaurer un régime démocratique garantissant les droits, les libertés et l’équilibre des pouvoirs».
A. Mahfoudh a précisé que «le projet a veillé à respecter plusieurs règles de rédaction constitutionnelle, comme la clarté, la précision et le coût… Les coûts des institutions ne devraient pas être lourds pour l’Etat».
Le membre de l’instance a ajouté que «le projet vise l’instauration d’un régime démocratique et garantit les mécanismes de protection des droits et des libertés, y compris par la justice, et il a, ainsi, préservé le contenu de l’article 49 de la Constitution de 2014». Par ailleurs, le Pr Mahfoudh a indiqué que «le projet a veillé à doter les fonctions, législative et exécutive, de moyens permettant la reddition des comptes et le contrôle de l’une par l’autre, tout en garantissant une justice équitable, n’ouvrant pas la voie à l’Etat des juges».
Rejet
Le front de Salut national, animé par le parti Ennahdha et dirigé par Ahmed Néjib Chebbi, président du parti El Amel, continue à refuser le nouveau processus instauré le 25 juillet 2021. Le front considère le projet de la Constitution comme une étape de plus pour «finaliser la mainmise de Saïed sur le pouvoir».
Pour sa part, Jawher Ben Mbarek, l’animateur du groupe Citoyens contre le putsch, a condamné cette nouvelle escalade contre la démocratie, voulant «enterrer la révolution du 14 janvier 2011». Ben Mbarek a également condamné le fait que «l’ISIE oblige les corps politiques à demander des autorisations pour faire campagne pour ou contre le référendum», ce à quoi Farouk Bouaskar a répondu en affirmant que «c’est d’usage dans toutes les démocraties».
Les propos de Néjib Chebbi, Jawher Ben Mbarek ou encore l’avocat Ayachi Hammami, militant de longue date des droits de l’homme et ancien ministre en 2020 dans le gouvernement d’El Yes Fakhfakh, prouvent que «la libre parole est encore la règle en Tunisie», comme l’affirme le vétérinaire Abdelmagid Ferchichi.
Dans cet ordre d’idées de libre parole, l’Instance de défense des libertés et de la démocratie, présidée par Ayachi Hammami, a publié un communiqué demandant de «mettre fin à la saisine de la parole du peuple, au nom de la démocratie».
Les favorables au référendum et les opposants vont se côtoyer durant la campagne. Il est néanmoins clair que les partisans de la majorité des partis politiques sont contre Saïed, alors que la rue lui est favorable.