Le procureur près le pôle financier et économique de Sidi M'hamed a requis 10 ans de prison contre Mellal et les deux prévenus en fuite, contre lesquels un mandat d’arrêt international a été réclamé.
Après 21 mois de détention provisoire, l’ancien dirigeant du club de football JSK, Cherif Mellah, a comparu hier devant le pôle financier et économique près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, pour deux chefs d’inculpation – «violation de la loi relative au contrôle de change et aux mouvements de capitaux de et vers l’Algérie» et «blanchiment d’argent» – liés à de présumés transferts d’une somme de 175 000 dollars et 300 000 euros et ses trois sociétés, la Sarl Torento et deux autres activant à l’étranger, Luxcarleasing, en Allemagne et LMT auto, au Luxembourg. Trois autres prévenus sont concernés par l'affaire, il s'agit de son frère Aghiles et Hamdi Layadi en état de fuite, et sa société, la Sarl Torento, poursuivie en tant que personne morale.
Après deux renvois, l’affaire a fini par être examinée. D’emblée, la défense de l’ancien dirigeant de la JSK tente de battre en brèche les accusations en évoquant «de nombreux vices de forme qui appellent à l’annulation de la procédure». Me Fetta Sadate commence par présenter les trois points sur lesquels, dit-elle, reposent l’accusation : «La supposée somme de 300 000 euros trouvée chez deux Algériens en France au mois de février 2017, l’achat d’une maison familiale à 27 000 euros en 2012 et l’opération d’exportation de véhicules entre 1997 et 2017. Toutes ces dates dépassent, de plus de trois ans, celle de la mise en branle de l’action publique, le 18 janvier 2023. De ce fait, tous les faits tombent sous le coup de la prescription.»
Lui emboîtant le pas, Me Abdennour Ouasal fait état de «l’absence» dans le dossier des swifts «pour lesquels Mellah a été poursuivi». «Nous ne trouvons aucune trace du swift lié au transfert de la somme 170 000 dollars. Bien plus, le RIB de l’opération de transfert n’est pas celui du compte de la JSK. D’où l’ont-ils ramené ? Ils n’ont présenté aucune preuve sur l’achat d’une maison aux USA, ni aucune preuve sur la sortie ou l’entrée de cette somme sur le compte de la JSK. Les faits contenus dans le dossier sont fictifs», à déclaré l’avocat.
Me Haboul s’est, quant à lui, offusqué du fait que les procès verbaux de l’enquête préliminaire sur les 170 000 dollars, ouverte au niveau de la sûreté de wilaya de Tizi Ouzou et classée par le parquet, «se retrouvent joints au dossier sans aucun ordre de transfert du parquet ni demande du juge d’instruction du pôle financier de Sidi M’hamed». Pour lui, il y a «violation de l’article 18 du code de procédure judiciaire». Le juge décide de joindre les vices de forme soulevés à l’examen au fond de l’affaire. L’audience est levée pour 1h30. A la reprise, Cherif Mellal est appelé à la barre. Il nie totalement les faits qui, selon lui, sont «faux».
«Je suis honnête et propre»
Le juge l’interroge sur les «175 000 dollars transférés par le compte de la JSK», et Mellal s’offusque. «Aucun sou n’a été viré ou reçu par la JSK», lance-t-il au juge avant que ce dernier ne l’interroge sur ses deux sociétés, la Sarl Torento qui exerce en Algérie et Luxcarleasing en Allemagne. «Elles travaillaient dans la légalité. Luxcarleasing était une société en faillite que j’ai rachetée pour me lancer dans le commerce de voitures et de pièces détachées en 2011, lorsqu’il y a eu l'ouverture de l’importation de véhicules. Au début, j’étais associé.
Ce ne sont pas des voitures volées ou accidentées. Je les achetais de l’usine. Je les vendais avec des lettres de crédit. Tout passait par la banque. En 2014, j ai pu me faire un petit capital. J’ai commencé à travailler en France avec des sociétés. J’avais beaucoup de voitures que je vendais dans la légalité par voie bancaire. J’ai trouvé une banque au Luxembourg qui m'accordait un bon taux de crédit, en payant les véhicules.
Je faisais un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros.» Le prévenu explique aussi que sa première société, il l’a créée en Allemagne, où il réside depuis des années. Concernant les deux Algériens arrêtés au Luxembourg avec la somme 300 000 euros et qui auraient affirmé que l’argent lui était destiné, Mellah dément catégoriquement. «Je suis une victime. J’ai passé 21 mois en prison sur des témoignages qui n'existent pas. Donnez-moi la preuve. Ces jeunes n’ont jamais dit cela.
Ils n’ont jamais cité mon nom. Vous dites que j’ai transféré des fonds à l'étranger pour acheter des biens. Or, la maison je l'ai achetée en 2012 et ma société a été créée en 2014.» Le juge le fait revenir aux faits et Mellal tente d’apporter des précisions. «J’ai réuni des agents agréés. Je vendais beaucoup de véhicules, mon commerce était en peine expansion avec l'aide de la banque.
Je remets les documents à la banque, laquelle se charge du paiement, tout se passe par le canal bancaire. Avec la loi de finances 2017, tout a été chamboulé. Bouchouareb a aidé les gros poissons et tué les petits comme moi. Il leur a ouvert un couloir vert avec des facilités douanières et fiscales, alors que moi je travaillais légalement et dans les normes. Tout a été bloqué. J'ai été obligé de liquider ma société en Allemagne.» Le prévenu perd la voix.
Très affecté, il déclare au juge : «Mon défaut est que j’aime le travail. J'ai appris à travailler très jeune. Je suis honnête et propre. Il fallait qu’ils détruisent la personne que je suis. Je suis parti très jeune en Allemagne et je me suis lancé dans le commerce. Avec mon épouse, j'ai acheté une maison que je paie à ce jour.» Interrogé sur le montant supposé être transféré du compte de la JSK, il répond : «Vous parlez d’un montant qui représente une indemnisation de la CAF.
C’était son dû. C’ est moi-même qui était à l’origine de l’enquête sur la corruption à la JSK. Comment pourrais-je détourner de l’argent ?» A la fin, le procureur a requis 10 ans de prison contre Mellal et les deux prévenus en fuite, contre lesquels un mandat d’arrêt international a été réclamé. En plus de ces peines, le représentant du ministère public a requis une amende de 8 millions de dinars contre les mis en cause et 32 millions de dinars contre les sociétés de Mellah, ainsi que la confiscation de leurs biens. Le procès s'est poursuivi très tard dans la soirée avec les plaidoiries.