Le rapport indique que la coordination ville-hôpital «doit être un objectif partagé par l’ensemble des acteurs de santé impliqués dans la prise en charge du cancer».
L’Association nationale des pharmaciens algériens (Anpha) vient de publier son rapport sur les cancers en Algérie. Fruit de deux années de rencontres et de débats avec des experts de diverses spécialités, à savoir pharmaciens, cliniciens, économistes de la santé et autres spécialistes à travers les différentes régions du pays et cela en collaboration avec le ministère de la Santé, le rapport s’est, en premier lieu, penché sur la façon d’optimiser le parcours de soins des patients atteins de maladies cancéreuses en Algérie.
A cet effet, le rapport indique que la coordination ville-hôpital «doit être un objectif partagé par l’ensemble des acteurs de santé impliqués dans la prise en charge du cancer». Celle-ci passe par un certain niveau de collaboration entre les protagonistes, à savoir le patient, les aidants et les professionnels, du dépistage à l’après-cancer. «Elle doit tenir compte du patient dans sa globalité, c’est-à-dire de son état physique, avant, pendant et après la maladie, de son contexte psychique et de sa situation socioéconomique», poursuit le rapport.
C’est pourquoi, l’Anpha plaide pour une meilleure implication du pharmacien, en tant qu’acteur majeur de la santé, dans le circuit de prise en charge des patients atteints de cancer, et cela pour plusieurs raisons. La première : sa compétence et ses qualifications. Et la seconde raison et non des moindres : sa proximité et son accessibilité. «Le pharmacien peut intervenir sur plusieurs volets, à l’exemple de l’éducation thérapeutique, le dépistage et la prévention, la gestion de la douleur», assure l’Anpha via son rapport.
Afin de garantir une implication bénéfique et efficace du pharmacien dans cet effort, l’Anpha recommande tout d’abord la réorganisation de la pharmacie hospitalière. «Et cela, en donnant de l'importance à cette entité qui doit être indépendante et munie de ressources pour une gestion efficiente et pour protéger les responsabilités pharmaceutiques multiples», explique l’association.
«De ce fait, les actes d’approvisionnement, de détention, de gestion, de préparation et de dispensation des médicaments expérimentaux sont obligatoirement et strictement réservés à l’exercice pharmaceutique», recommande-t-elle. Ensuite, l’Anpha appelle à mettre le pharmacien au centre des process de développement du circuit et les projets de numérisation de secteur de la santé.
Le rapport recommande par ailleurs de recourir au pharmacien pour la création du secteur des essais cliniques au sein des pharmacies hospitalières, sachant qu’il s’agit d’un des éléments clés pour le développement de la recherche dans les établissements de santé en Algérie.
Et enfin, l’Anpha recommande, via son rapport, de promouvoir les évaluations pharmaco-économiques des technologies de santé mais aussi de réadapter les programmes de formation universitaires des pharmaciens en s’orientant plus vers les missions cliniques et les collaborations multiprofessionnelles.
Par ailleurs, dans son rapport, l’Anpha assure que «l’augmentation des coûts de la prise en charge au fil des années est inévitable, à part des dépenses de santé consacrées au cancer en 2022. Elle représenterait environ 10 à 15% du budget de la santé». Ces coûts de lutte contre le cancer comprennent les coûts de prévention, de dépistage, de diagnostic, de traitement et de soins palliatifs.
Le traitement peut contenir à la fois des traitements médicaux, chirurgicaux et des séjours médicaux. Et si le coût de la prise en charge est en augmentation rapide en Algérie, cela est dû, selon l’Association nationale des pharmaciens algériens, à plusieurs facteurs, à savoir le vieillissement de la population, la multiplication des facteurs de risque, des facteurs environnementaux et l’amélioration de l’accessibilité à l’offre de soins.
Accessibilité à l’offre de soins
Toutefois, «en Algérie, on ne dispose pas d’une estimation réelle des coûts de la prise en charge de la maladie cancéreuse prenant en considération toutes les activités citées précédemment», se désole l’Anpha. Affirmant au passage que le progrès de la recherche a permis de développer de nouveaux traitements anticancéreux plus efficaces, mais ces traitements sont souvent plus coûteux que les traitements traditionnels. «Cette augmentation des coûts a également mis à rude épreuve le financement de la lutte contre le cancer», explique encore le rapport.
C’est d’ailleurs pour cela que le rapport s’est penché sur les enjeux de financement des plans et thérapies anticancéreux ainsi que des propositions pour le financement des innovations thérapeutiques en Algérie.
Au sujet de l’amélioration du financement de la prise en charge, l’Anpha recommande tout d’abord d’adopter une approche stratégique qui inclut la prise en charge de cette pathologie au sein d’un plan global multisectoriel, comprenant la sensibilisation, le dépistage, le diagnostic précoce, et cela, avant de donner une prédominance aux budgets des thérapies et d’hospitalisation.
Il est aussi important, selon l’Anpha, d’étudier la faisabilité du passage de la dispensation de quelques anticancers vers l’officine. Autre recommandation qui vise à l’amélioration du financement de la prise en charge est de «développer un plan national d’accès aux traitements anticancers en définissant les priorités et le rôle de chaque acteur», note le rapport.
Ce dernier juge aussi important de développer des partenariats avec d’autres pays pour des achats groupés négociés et efficients de ces thérapies et appelle à réviser le code des procédures des marchés publics avec des adaptations nécessaires aux besoins du secteur de la santé. En ce qui concerne les mesures à adopter pour optimiser les coûts, l’Anpha estime que cela passe par «la réduction des insuffisances en matière de régulation et de gestion des services publics avec une implication essentielle de la Sécurité sociale et des mutuelles santé dans le financement».
Lancement d’un Conseil africain du cancer du sein
Le Conseil africain du cancer du sein vient d’être formé. Constitué d’un groupe de femmes africaines comprenant des oncologues, des chirurgiens, des premières dames, des défenseurs, une survivante, une ancienne ministre et une économiste et présidé par l’Algérienne Soraya Mellali, ancienne directrice exécutive du groupe de la Banque africaine de développement, le Conseil a pour objectif de s’attaquer à la principale cause de décès par cancer chez les femmes africaines.
Le cancer du sein étant le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes en Afrique et est à l’origine du plus grand nombre de décès liés au cancer, «le Conseil africain du cancer du sein est une réponse au fardeau croissant du cancer du sein sur le continent africain», indique le communiqué.
Sachant qu’une femme sur deux en Afrique subsaharienne est actuellement susceptible de survivre pendant cinq ans après avoir été diagnostiquée. A cet effet, Mme Mellali a déclaré : «Le cancer du sein est la principale cause de décès liés au cancer chez les femmes en Afrique. Ce problème résonne profondément dans mon propre pays, l’Algérie.
En tant que présidente du Conseil africain du cancer du sein, je suis fière de m’unir aux principaux experts et voix influentes d’Afrique pour briser le cycle du diagnostic tardif, des traitements inadéquats et des décès évitables. Notre approche multidisciplinaire souligne la compréhension que seul un partenariat et une action incessants peuvent changer l’avenir du cancer du sein dans nos communautés.»
De son côté, le Dr Magda Robalo, membre du Conseil africain du cancer du sein et présidente et cofondatrice de l’Institut pour la santé et le développement mondiaux, a affirmé que la plupart des femmes africaines atteintes de cancer du sein sont diagnostiquées trop tard et, même après un diagnostic, beaucoup ne reçoivent pas le traitement dont elles ont besoin.
«Injustice flagrante»
«Cette injustice flagrante est totalement évitable. En réponse, le Conseil africain du cancer du sein travaillera à façonner des politiques et à plaider auprès des gouvernements pour qu’ils s’engagent d’urgence à fournir les ressources nécessaires», a-t-elle insisté. D’ailleurs, le Conseil s’efforcera, au niveau national, de réduire le délai de diagnostic de six mois à 60 jours.
«Pour favoriser la détection précoce du cancer du sein et la prise en charge des patientes, nous devons améliorer les connaissances en matière de santé des agents de santé primaire et du public dans des régions spécifiques, éliminer les obstacles géographiques à l’accès aux soins de santé et travailler à la réduction de la stigmatisation culturelle associée à la mastectomie», a ajouté Soraya Mellali.
Ainsi, le Conseil devra remplir, avec le soutien de Roche, l’une des plus grandes entreprises de biotechnologie au monde, plusieurs missions. La première sera de s’appuyer sur son expérience étendue, diversifiée et complémentaire pour guider et favoriser le changement de politique dans son pays d’origine et sur l’ensemble du continent. Il encouragera également une collaboration accrue, une meilleure collecte de données et une amélioration des résultats pour les patients.
Autre mission du Conseil est de favoriser des améliorations systémiques dans l’infrastructure, l’accès et le financement des soins de santé, et cela, dans le but d’obtenir un impact durable et évolutif pour les soins liés au cancer du sein. «Il se concentrera dans un premier temps sur les systèmes de santé africains ouverts au partenariat et à l’innovation, avant d’étendre ce travail à l’ensemble du continent», précise le communiqué. S. O.