Prévention contre les dangers de la drogue : Appel à la coordination des efforts

05/06/2024 mis à jour: 09:08
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Photo : D. R.

La campagne de sensibilisation relative aux dangers de la consommation de la drogue, initiée par la Cnas d’Alger, se poursuit. 

Sous le slogan ''La sécurité sociale vous accompagne contre les dangers de la drogue'', cette journée vise à sensibiliser l’opinion publique sur les dangers de la consommation des drogues et des psychotropes et ses répercussions sur la société», a affirmé le Dr Dhia Elhak Bouguetouf, directeur de l’agence CNAS de la wilaya d’Alger, en marge de la journée de sensibilisation et d’information tenue hier à Alger. «Via cette journée, on appelle à conjuguer les efforts de tous afin de lutter contre ce fléau», a-t-il poursuivi. Assurant au passage que l’agence Cnas d’Alger n’a ménagé aucun effort pour parvenir à contrer ce phénomène.

En effet, dans le cadre du plan de communication élaboré par la Cnas, une campagne de sensibilisation relative aux dangers de la consommation de drogue a démarré le 7 mars dernier et se poursuivra jusqu’au 31 décembre. «Il faut savoir aussi que différentes journées de sensibilisation ont également été organisées que ce soit dans les universités ou les centres de formation et cela, dans le but de mettre en garde les citoyens contre le mésusage des médicaments», a affirmé M. Bouguetouf.

Autre action, et non des moindres, entreprise par la Cnas afin de tenter de mettre un terme à ce fléau, est de soumettre le traitement des maladies mentales à des conditions particulières d’indemnisation. «Chaque prescription fait l’objet d’un suivi médical, avec obligation de prescrire ces médicaments par un médecin spécialisé. Sachant que nous avons mis en place une surveillance initiale et ultérieure de ces prescriptions», a-t-il expliqué.

De son côté, Abdelkarim Abidat, directeur du Centre national de prévention et de lutte antidrogue, a confié qu’il est grand temps de secouer les consciences. «L’Algérie a toujours été considérée comme pays de transite. Aujourd’hui, le pays compte plus de 3 millions de toxicos, filles et garçons, âgés entre 15 et 35 ans», s’est-il désolé. En termes de chiffres, M. Abidat a assuré que 40% des consommateurs ont le niveau primaire, 30% le niveau moyen, 20% le niveau lycée et 15% sont universitaires.

«Du moment que ce fléau a touché les universitaires et le milieu sportif, cela veut dire que la situation est grave», a affirmé M. Abidat. C’est pourquoi, le spécialiste estime important de tirer la sonnette d’alarme afin de sauver l’Algérie de ce fléau. A cet effet, M. Abidat a indiqué que 70% des crimes sont la conséquence de la consommation de drogue. 50% des violences sont causées à la suite de consommation de drogue.

40% des bagarres entre groupes de jeunes dans les quartiers sont à cause de la drogue. 30% des overdoses se font à la suite de consommation de drogue. 20% de l’échec scolaire sont dus à la consommation de drogue ainsi que 10% des accidents de la route. «Avec un chiffre d’affaires estimé entre 300 et 500 milliards de dollars, le trafic de drogue est devenu le deuxième marché économique au monde, juste derrière les armes, mais devant le pétrole. Sachant que 40% de la population mondiale en consomme», a-t-il fait savoir.

Signalements

C’est pourquoi, M. Abidat estime urgent de stopper sa progression en Algérie. «Malheureusement, nous manquons de signalement et c'est ce qui a permis à ce fléau de prendre de l’ampleur chez nous», s’est-il désolé. Selon lui, il s’agirait de signaler les toxicos afin de pouvoir les soigner et lutter contre ce phénomène. L’erreur aussi, selon M. Abidat, est de ne penser à la problématique de la drogue que durant le 26 juin, or «il faut mettre en place une stratégie nationale pour sauver l’Algérie de ce fléau», a-t-il martelé.

«Au niveau de notre Centre national de prévention et de lutte antidrogue de Bouchaoui, nous avons, par exemple, mis en place une stratégie qui consiste à soigner les drogués sans médicament», a confié M. Abidat. «Sachant qu’à notre niveau, on ne soigne que les consommateurs de psychotropes et avons laissé aux hôpitaux le soin de s'occuper de ceux qui consomment les drogues durs, comme la cocaïne et l’héroïne», a-t-il poursuivi. Ainsi, les professionnels du centre se sont tournés vers la phytothérapie pour soigner les malades : «Les médecins ont élaboré une tisane naturelle qui aide à casser le cercle du manque et cela a été très bénéfique.» Le centre a également recours à l’hydrothérapie, l'aquagym. «Il faut savoir que l’ennemi du toxico est l’eau.

Il n’aime pas se doucher, se laver, boire, etc. Et l’hydrothérapie, l'aquagym sont parfaits pour l’éveiller», a expliqué M. Abidat. Ce dernier a expliqué aussi que les patients étaient plus réceptifs avec des psychologues femmes qu’hommes : «En fait, ils étaient plus respectueux et se confiaient davantage aux psychologues femmes, ce qui nous a permis d’avoir de bons résultats.»

Par ailleurs, M. Abidat a confié qu’en collaboration avec la Cnas, «on va créer un psychobus. Ça sera le premier pays arabe. Il sillonnera les quartiers populaires, écoles et universités. L’idée est que les psychologues viennent à eux». Enfin, comme dernière recommandation, M. Abidat a appelé à multiplier les centres afin de parvenir à mettre un terme au fléau.

De son côté, Djazia Ikrab, officier de police à la DGSN, a déclaré : «Il s’agit d’une responsabilité commune. La lutte contre les drogues est de la responsabilité de tous, mais il est vrai qu’on manque de signalements.» Selon elle, la lutte contre la drogue constitue une priorité au niveau de la DGSN. «Malheureusement, l’Algérie a basculé d’un pays de transit vers un pays de consommation», s’est-elle désolée. «L’Algérie a connu, ces dernières années, d’importantes opérations de saisie de cocaïne et d’héroïne, ce qui nous laisse penser qu’elle constitue une région de transit de l’Amérique du Sud vers l’Europe», a-t-elle affirmé.

Confiant au passage que le mésusage des produits pharmaceutiques et des psychotropes est en évolution constante et inquiétante. C’est pourquoi, Mme Djazia a fait savoir que l’Algérie a mis en place, depuis les années 2000, deux stratégies afin de tenter de mettre un terme à ce problème de santé publique. En effet, le plan directeur national a d’abord été mis en place (2004-2008).

Celui-ci avait pour objectif de coordonner les différents services ainsi que la prise en charge des activités liées à la lutte contre les drogues. Par la suite, la stratégie nationale (2011-2015) a été établie. Celle-ci s’est concentrée sur deux axes principaux, à savoir la diminution de «l’offre» des drogues et combattre la demande.

Est venue par la suite la stratégie nationale (2020-2024). Cette stratégie s’est basée sur la recherche scientifique afin de mieux comprendre le phénomène et comment y faire face en se basant sur des données fiables. «Toujours dans le cadre de la lutte contre ce fléau, la direction centrale de lutte contre le trafic illicite des drogues a été activée en juin 2021, pour devenir une direction opérationnelle, dont la mission principale est de contrer ce type de crime organisé et affronter les organisations criminelles activant dans le domaine du trafic illicite des drogues», a confié Mme Djazia.

«Il faut savoir aussi que les forces de police travaillant sur le terrain bénéficient de formations continues pour être plus performantes dans l’exercice de leurs missions», a-t-elle ajouté. Précisant au passage que des unités régionales ont également été créées à l’est, ouest et sud du pays afin de tenter de stopper le flux de drogues.

Impact sanitaire

Pour sa part, le Dr Wassila Bentarfaia a assuré qu’en Algérie comme dans beaucoup d’autres pays, «ces usages dangereux ont un impact sanitaire, éducatif et social important». En termes de statistiques, le Dr Bentarfaia a confié que 70% des consultants au centre de soins intermédiaires en addictologie de Chéraga sont dépendants au cannabis et à la Prégabaline, 50% sont dépendants aux opiacés, 40% sont des polytoxicomanes. En ce qui concerne la prise en charge au niveau du centre, le Dr Bentarfaia a expliqué que celle-ci passe par le sevrage (arrêt de la consommation) puis l’abstinence (maintien dans la durée de cet arrêt).

Pour ce qui est des soins, ils comportent, selon la spécialiste, plusieurs volets. Le premier est le soutien psychologique. A cet effet, le Dr Bentarfaia explique : «Il s’agit d’accompagner et de soutenir les patients de façon rassurante et non culpabilisante dans leur parcours.» Le second volet concerne l’entretien motivationnel. Il s’agit, selon la spécialiste, d’une technique validée pour accompagner les patients vers le changement.

Les techniques de réduction de consommation constituent le troisième volet. «Il s’agit de donner au patient des façons de faire pour diminuer sa consommation», précise le Dr Bentarfaia. Il y a aussi la prise en charge physique, qui consiste à prendre en charge les différentes maladies associées à la consommation, mais aussi la prise en charge sociale et familiale étant donné que l’addictologie peut entraîner de graves conséquences au niveau familial et social. 



 

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