A quelques mois de l’été et ses fortes chaleurs, il est primordial de passer par la case «débroussaillement» afin de limiter au maximum les risques des feux de forêt. Explications !
Si les feux de forêt ne sont pas nouveaux, leur fréquence et leur intensité sont largement aggravées par le changement climatique.
En effet, les récentes études considèrent que dans quelques décennies, les conditions estivales, à la fois de températures et de sécheresse, seront propices à des développements de feux de foret en raison du réchauffement de l’atmosphère.
Et pour prévenir ce danger, le débroussaillement s’avère être l’une des meilleures protections, surtout que les forêts denses et mal entretenues sont les plus exposées aux incendies. Et c’est justement pour ça qu’il faut veiller et entreprendre des opérations sylvicoles pour préserver ces milieux naturels contre les feux en période estivale.
D’ailleurs, Chakali Gahdab, professeur au département de zoologie agricole et forestière à l’Ecole nationale supérieure agronomique d’Alger, affirme que la structure de nos formations forestières confère une très forte combustibilité à ces milieux en raison de l’importance de la strate arbustive et herbacée surtout en période estivale et augmente ainsi le risque d’incendie.
C’est pourquoi, le spécialiste estime que les coupures de combustible cloisonnant les massifs forestiers sont un excellent outil pour l’aménagement des forêts dans le cadre de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI). Finalement, Chakali Gahdab assure qu’en milieu forestier, le débroussaillement est une opération périodique annuelle et obligatoire pour protéger les écosystèmes et leur biodiversité contre la propagation des feux où au moins diminuer leur intensité.
La forêt étant un milieu très fragile, elle exige une surveillance permanente, surtout vis-à-vis des incendies qui restent la menace la plus préoccupante de l’environnement. «Des programmes doivent être développés pour chaque forêt selon sa composition et son étage bioclimatique. Dans un contexte général, ce sont les moyens qui restent limités pour une meilleure gestion forestière», affirme M. Chakali.
L’opération vise donc à rompre la continuité végétale qui favorise la puissance au feu et permettre à l’incendie de se répandre. «Débroussailler, c’est aussi faciliter les accès et les actions à entreprendre pour éteindre un feu surtout dans les forêts situées dans des reliefs de montagnes, cas des parcs nationaux de Chréa et du Djurdjura», ajoute-t-il.
Nécessité
L’opération consiste à faucher la strate herbacée et d’élaguer les verticilles inférieurs et supprimer les branches sèches de la strate arborée afin de réduire la masse combustible, vecteur des incendies. «De même, les tranchées pares-feux, réalisés dans diverses forêts en Algérie, participent dans leur ensemble à la réduction des incendies, comme c’est le cas des travaux réalisés dans les pinèdes en zones semi-arides», précise Chakali Gahdab.
Ce dernier affirme qu’il existe trois types de débroussaillements. Le premier est manuel en utilisant des serpes, des scies d’élagage ou des outils à moteur thermique portés à dos d’homme (débroussailleuses, scies à chaîne...), le second est de type mécanique ; celui-ci se fait à l’aide d’engins dont le fonctionnement pose des problèmes sur une forte pente. Et enfin le dernier est le débroussaillement chimique qui se fait en utilisant des phytocides pour éliminer la strate herbacée.
Et ça serait une erreur de penser qu’il n’y a rien à débroussailler suite à la série d’incendies observés ces dernières années. En effet, M. Chakali assure que la végétation se cicatrise après incendie. «Les espèces végétales de la région méditerranéenne ont non seulement développé des traits adaptatifs pour résister aux incendies mais aussi des stratégies de régénération efficaces, et cela, soit en repoussant à partir de tissus de survie (repousses), soit par semis (semenciers obligatoires) ou par la combinaison des deux mécanismes (facultatifs)», explique M. Chakali.
C’est pourquoi, il recommande que l’opération de débroussaillement soit appliquée de manière permanente de façon à se protéger des risques d’incendie. «L’opération de débroussaillement est une nécessité qui s’impose dans son contexte. Tout le monde s’accorde à dire que la pratique de cette alternative a un impact certain et réduit considérablement les possibilités dans les départs des feux particulièrement en forêt et son environnement avoisinant», conclut Chakali Gahdab.
De son côté, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a assuré que tous les moyens matériels et humains ont été mobilisés en coordination avec les départements ministériels concernés, afin de prévenir et lutter contre les feux de forêt.
Ces opérations comprennent, entre autres, l’aménagement et l’entretien des tranchées de protection incendie par la Direction générale des forêts (DGF), des tranchées sous les lignes à haute tension par Sonelgaz et des abords de la voie ferrée à proximité de la forêt, ainsi que l’aménagement de points d’eau, un élément fort important dans les opérations de lutte contre les incendies.
Plus précisément, il a été convenu de mobiliser quelque 387 tours de contrôle, 544 brigades mobiles, 42 camions citernes pour l’approvisionnement en eau et pas moins de 3523 points d’eau, en sus de 748 ateliers qui comptent 8294 agents pouvant être mobilisés en cas d’extrême nécessité.
Y a-t-il une date limite pour le débroussaillage ?
«Il est fortement recommandé de procéder au débroussaillement au mois d’avril et de mai afin de limiter la propagation fréquente des feux de forêt en période estivale», assure Chakali Gahdab. Selon lui, ce procédé est une nécessité fondamentale pour garantir une meilleure préservation du patrimoine forestier, très sensible à la dégradation. Par ailleurs, le chercheur assure que l’efficacité du débroussaillement est limitée dans le temps, le milieu se «cicatrisant» en deux ou trois saisons de végétation, surtout quand le débroussaillement est effectué de fin automne à début printemps, époque favorable au développement de rejets vigoureux. Il est alors nécessaire, de l’avis du chercheur, d’effectuer régulièrement des repasses pour maintenir le phytovolume et la phytomasse des strates basses à leur niveau opérationnel. «Certains praticiens signalent l’intérêt d’un premier débroussaillement de printemps suivi d’une repasse en fin d’été», conclut Chakali Gahdab.
Sofia Ouahib
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