A l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce dimanche, il y avait, entre autres, l’examen du nouveau projet de loi organique relative à l’information et à l’audiovisuel. Deux textes dictés par les profondes mutations que connaît le secteur des médias dans notre pays, et censés pallier les insuffisances juridiques de la loi de 2012 sur l’information et celle de 2014 relative à l’activité audiovisuelle.
Le projet de loi consacre, notamment, le régime déclaratif qui remplace l’agrément pour se mettre en conformité avec la nouvelle Constitution. Il a institué aussi un Conseil national de la presse qui vient ainsi se substituer à l’Autorité de régulation de la presse écrite qui, finalement, n’aura jamais vu le jour. Cet arsenal juridique vise, en outre, à mettre un peu d’ordre dans un paysage audiovisuel où règne une véritable cacophonie. Le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani, a assuré, par ailleurs, que d’autres lois vont bientôt suivre, notamment celles sur la publicité et sur les sondages d’opinion.
Au fond, le plus important, ce n’est pas tant les textes que leur application. Comme nous le faisait remarquer le professeur Redouane Boudjemaâ dans une récente interview : «Les lois sur l’information dans notre pays n’ont, le plus souvent, été ni respectées ni appliquées. Pratique qui trouve son explication dans la nature administrative et autoritaire de la gestion du secteur médiatique.» Concrètement, qu’est-ce que ce nouveau code de l’information va changer ? Plus que d’un cadre réglementaire, les médias algériens, la presse algérienne, les journalistes algériens ont surtout besoin de garanties politiques. Ce qu’on appelle «la liberté d’expression». La «liberté de la presse».
Cette chose sans laquelle, nous, journalistes, on n’aurait que des sujets insipides et sans relief à offrir à nos lecteurs. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que les Algériens boudent massivement la télévision nationale et les médias publics, ceux-ci ayant perdu leur âme, leur raison d’être, à force d’être asservis, contrôlés jusqu’à l’étouffement. Les autres médias, eux, sont dans la précarité la plus totale. Au tassement des ventes est venue s’ajouter la récession du marché publicitaire. Les journaux qui ont un ton critique sont ouvertement privés de la publicité de l’ANEP. Même la presse électronique, qu’on présente comme la panacée, est encore fragile et ne repose pas sur un modèle économique viable.
Tous ces éléments réunis nous amènent fatalement à la situation que nous connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire une offre médiatique indigente et un appauvrissement des contenus éditoriaux. Et cette situation, cette mise à mort programmée de la presse algérienne n’est pas que l’affaire des journalistes. Cela concerne tout le monde : société civile, partis politiques, syndicats, universitaires, l’ensemble du corps social en définitive. On n’en mesure peut-être pas la gravité, mais c’est une vraie mauvaise nouvelle, car il y va de la défense de la chose publique, du vrai service public, du «récit national».
On ne compte plus le nombre de fois où l’on s’est ému, en haut lieu mais aussi dans l’opinion, sur les réseaux sociaux, qu’une émission diffusée sur une chaîne étrangère, un documentaire, ou même une fiction, donne une image caricaturale de nous ou travestit notre réalité sociale. Alors, qu’on laisse nos journalistes, nos cinéastes, nos historiens, nos chercheurs… faire leur travail. Beaucoup de nos compatriotes ne demandent qu’à lire, voir, écouter, algérien.