Premier tour des législatives en France : Le vent mauvais de l’extrême droite

29/06/2024 mis à jour: 00:24
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Le RN et ses alliés récolteraient demain entre 30 et 36% des suffrages pour le premier tour des législatives (Photo : D. R)

Jamais campagne électorale aussi décisive aura été aussi courte en France, avec l’immigration comme thème central qui aura été matraqué par les médias, et pourrait avoir séduit nombre d’électeurs. 

Le parti d’extrême droite, Rassemblement national et ses alliés transfuges du parti de droite Les Républicains récolteraient demain entre 30 et 36% des suffrages pour le premier tour des législatives. 

Les sondages publiés ces quinze derniers jours n’ont remarqué aucun relâchement des intentions de vote vers le parti lepéniste dirigé par Jordan Bardella, largement en tête des intentions exprimées, devant le Nouveau Front populaire, de 28 à 30% des voix. 

Et les projections pour le second tour du dimanche 7 juin, oscillent selon les instituts entre une forte majorité relative et une majorité absolue (de 250 députés à 305 députés) pour l’extrême droite. 

Sur les 577 sièges de l’Assemblée nationale française la gauche enverrait de 180 et 220 mandats de députés. La majorité relative sortante du président Emmanuel Macron chuterait autour de 100 sièges contre 250 dans l’assemblée dissoute le 9 juin dernier. Le groupe de la droite républicaine qui a refusé l’alliance avec le RN aurait moins de 50 sièges. 
 

DES MESSAGES RACISTES CONTRE DES JOURNALISTES D’ORIGINE MAGHRÉBINE

Pourtant, de nombreux appels ont souligné le danger de l’extrême droite. Même les francs-maçons (bête noire des extrémistes de droite) s’y sont mis, ainsi que toutes les associations chrétiennes. Ainsi qu’économistes de renom, personnel judiciaire, du monde de la santé ou de l’éducation, parents d’élèves, syndicats… Toute l’ossature des forces vives en France se sont prononcées contre le RN.  

Malgré la campagne dynamique des militants de gauche engagés dans le Nouveau Front populaire, une vague populiste irraisonnée et irrépressible va donc tout écraser sur son passage.  Les premières victimes de ce changement politique majeur, qui s’annonce, seront les immigrés, légaux ou illégaux et les personnes d’origine étrangère quel que soit leur statut, même s’ils sont de nationalité française. 

Déjà, les extrémistes proches du RN menacent. Deux journalistes célèbres de France Télévision, Mohamed Bouhafsi et Karim Rissouli (traité de ‘‘bicot’’) ainsi que la journaliste indépendante Nassira El Moadem, ont reçu des messages insultants. Bouhafsi parle de trois ou quatre messages par jour. Dans l’un d’entre eux on lit : «Bientôt c’est fini pour les bougnoules comme toi. Le bateau et retour au bled pour les racailles». Et la chanson raciste ‘‘Tu partiras’’ a fait des millions de vues sur les réseaux.

Des comédiens et artistes célèbres appellent à faire front «contre l’idéologie de haine et d’exclusion prônée par le Rassemblement national. Nous affirmons ici notre fraternité» ; «si nous ne résistons pas ensemble, nous faillirons collectivement». «La victoire de l’extrême droite serait un désastre».
 

D’ores et déjà, le racisme décomplexé se manifeste contre les Arabes et les Noirs, ici ou là en France, ont relaté jeudi et vendredi dernier les médias.  De nombreux témoignages font état d’actes racistes maintenant que le RN pourrait être à la tête du pays. 

Porté par les médias et journalistes complaisants, le leader du RN a lors de ses interventions télévisés rappelé le caractère xénophobe de son programme, sous couvert de ‘‘restreindre’’ l’immigration. Depuis longtemps, le Front national devenu RN voudrait supprimer la binationalité, visant, bien entendu, Africains et Arabes essentiellement, sachant que c’est compliqué à mettre en œuvre. 

D’abord en raison du droit international mais aussi car les binationaux ne sont pas seulement arabes ou africains… Il instille une première salve à ce sujet pour habituer l’opinion publique à ce statut de «national à moitié», en interdisant certaines fonctions aux binationaux. D’autre part, le RN souhaite mettre un terme à toute régularisation des clandestins qui peuvent y prétendre s’ils justifient d’avoir vécu et travaillé en France au moins dix années. Les patrons qui embaucheraient des clandestins seraient sanctionnés.

 Le RN veut une loi d’urgence sur l’immigration, en y intégrant notamment certaines mesures censurées par le Conseil constitutionnel en début d’année. Il entend légiférer sur la suppression du droit du sol, prône la quasi-suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. Et la liste n’est pas close des mesures contraires à la devise «Liberté, Egalité, Fraternité». Avec ces propositions, le RN entend attiser la vindicte publique envers l’immigration. 

Pour les légaux, le vœu est de ne pas renouveler systématiquement les titres de séjours et de rendre complexe le regroupement familial. Pour les illégaux, outre la non-régularisation au mépris des règles en la matière, il s’agirait d’expulser les clandestins. Le mouvement d’extrême-droite ne met pas dans la balance l’apport important de cette immigration (même l’illégale) dans le poids économique du pays. Les experts ont calculé la manne que cela représente. De même que les employeurs qui profitent de cette main d’œuvre venue d’ailleurs.
 

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE SONGE à UN STATUT DE MIGRANT ECOLOGIQUE

Le Nouveau Front populaire (NFP), à l’opposé des thèses réactionnaires du RN est clairement en avance sur son temps, notamment en proposant aussi de créer un statut de déplacé climatique, face à la situation écologique de dérèglement planétaire qui ira en s’accentuant. Le NFP prévoit d’abroger la loi immigration et veut réviser le pacte européen sur la migration et l’asile. «Les partis de la gauche unie promettent dans leur programme d’assurer un accompagnement social et une autorisation de travailler pour les demandeurs d’asile, et d’instituer la carte de séjour de dix ans comme titre de séjour de référence», écrit le site public France infos. 
 

Enfin, dans la même matière il est inutile de rapporter que le camp présidentiel a déjà fait voter plusieurs textes contre l’immigration, ce qui a rendu perméable ce dossier dans l’inconscient national. 
 

D’ailleurs, le groupe Ensemble pour la République persiste. Macron lui-même a expliqué qu’il est nécessaire de «continuer d’agir pour plus de sécurité, plus de fermeté (...) pour réduire l’immigration illégale». Il s’appuie sur la loi adoptée en début d’année et sur le pacte européen sur la migration et l’asile, adopté en avril dans l’UE. Il compte ainsi répondre à «l’inquiétude existentielle» des Français, liée à l’immigration. Il a aussi promis des mesures concernant les mineurs étrangers non accompagnés, qui, selon lui, «posent un problème de sécurité dans plusieurs villes».

 Macron, relève France info, a à plusieurs reprises utilisé des formules propres à l’extrême-droite la plus vile. Ainsi récemment pour critiquer la gauche il avait dit : «Ce n’est pas un programme social-démocrate (...), c’est un programme totalement immigrationniste». 

Ce terme, explique Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès est un «néologisme créé par la droite extrême ou par la droite radicale». le même président qui avait en mai dernier appelé les ministres à «travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation»,  une notion issue de l’ultra-droite.  

Élu à deux reprises en 2017 et en  2022 pour contrer le Rassemblement national, le président Emmanuel Macron l’a en fait nourri et lui a ouvert les portes du pouvoir aux extrémistes. 
 

France 
de notre correspondant Walid Mebarek

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