Suite à la publication dans notre édition du 05/02/2022 d’un article sous le titre «Le Conseil de l’Europe pointe Varsovie», Son Excellence l’ambassadeur de Pologne à Alger, M. Witold Spirydowicz, nous a adressé la précision suivante.
Le 5 février 2022, le quotidien El Watan a publié un article intitulé «Le Conseil de l’Europe pointe Varsovie», qui avait pour mission de présenter les remarques de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Mme Dunja Mijatovié, sur la situation à la frontière polono-biélorusse.
L’ambassade de Pologne en Algérie regrette de constater que cet article offre aux lecteurs algériens une image incomplète de la situation actuelle. C’est pourquoi, nous nous sentons dans l’obligation d’ajouter quelques éléments. Cela nous paraît particulièrement important, car la partie biélorusse ne cesse de mener de vastes activités de désinformation, y compris dans ce domaine, visant à dénigrer à la fois la Pologne et l’Union européenne.
Notons d’emblée que les remarques critiques de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe se réfèrent aux actions des autorités polonaises. Cela est tout à fait compréhensible, car elles ont été formulées dans le cadre de la procédure engagée contre la Pologne devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Toutefois, ces commentaires ne peuvent aucunement porter sur les actions des autorités bélarussiennes pour la raison que le Belarus est purement et simplement le seul pays européen à ne pas avoir intégré le Conseil de l’Europe.
Rappelons à cette occasion que tout pays européen peut devenir membre du Conseil de l’Europe à condition qu’il accepte les principes de l’Etat de droit, de la démocratie parlementaire et de la protection des droits de l’homme.
La ratification de la Convention européenne des droits de l’homme et l’acceptation de la juridiction de la Cour de Strasbourg constitue une garantie du respect de ces valeurs. Le Belarus n’appartient pas au Conseil de l’Europe car il ne respecte aucune des valeurs fondamentales de l’organisation.
Depuis le début de la crise politique au Belarus déclenchée par les élections présidentielles d’août 2020, des milliers de personnes ont été détenues pour avoir pris part à des manifestations pacifiques, et près de 1000 prisonniers politiques se trouvent toujours en prison. Nombre de personnes sont mortes à la suite d’interventions des forces de sécurité contre des manifestants pacifiques. Ajoutons que le régime biélorusse combat la liberté des médias et a banni les organisations indépendantes de défense des droits de l’homme.
La situation actuelle à la frontière entre le Belarus et l’Union européenne résulte directement d’une escalade délibérée de la tension de la part des autorités bélarussiennes.
De grands groupes de migrants, sous la houlette des services et l’armée biélorusses, ont été massés dans la zone limitrophe avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie en tant qu’attaque hybride contre nos trois pays. A titre d’exemple, en 2021 il y a eu 39 670 tentatives de franchissement illégal de la frontière polonaise, dont 36 175 tentatives empêchées par nos services.
En janvier de cette année, 985 tentatives ont eu lieu (dont 955 empêchées). Les actions orchestrées par le Belarus sont une forme de vengeance contre la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. En organisant une route migratoire artificielle et en utilisant les migrants, Minsk tente de déstabiliser nos trois pays, mais aussi de forcer l’Union européenne à lever les sanctions imposées au régime. Ainsi, la crise à la frontière polono-biélorusse est devenue un élément du jeu politique.
La responsabilité du malheur des migrants campés au Belarus le long de la frontière avec l’Union européenne incombe donc pleinement aux autorités bélarussiennes qui encouragent, font de la publicité et facilitent les voyages du Moyen-Orient et de l’Asie vers Minsk. L’implication des services biélorusses y est bien documentée par les gardes-frontières polonais et plusieurs organisations internationales.
Nous tenons à souligner que la Pologne ne cesse d’apporter de l’aide à tous ceux qui fuient la guerre et les persécutions. Nous sommes un pays ouvert, fondé sur des principes démocratiques, qui respecte ses obligations internationales et est guidé par des valeurs morales. Notre aide s’adresse à tous, y compris aux migrants qui ont besoin de soutien ou de traitement médical. En patrouillant la zone frontalière, les gardes-frontières polonais viennent à la rescousse des migrants clandestins se cachant dans les forêts et les marécages, ce qui leur sauve souvent la vie.
Par ailleurs, la Pologne a délivré plus de 100 000 visas aux citoyens bélarussiens, dont plus de 20 000 visas humanitaires depuis le déclenchement de la crise politique au Belarus. En outre, en août 2021, nous avons évacué plus de 1300 Afghans de Kaboul ayant été capturés par les talibans. La Pologne est un membre responsable de la communauté internationale. En cas d’urgence, nous nous montrons solidaires des personnes dans le besoin et leur apportons notre soutien. Nous sommes conscients que la situation sociale, politique et économique des pays d’où ces personnes émigrent est difficile, voire très difficile.
Par conséquent, depuis plusieurs années, l’aide polonaise au développement et l’aide humanitaire va directement à ces régions, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Les réfugiés, fuyant les conflits armés et la violence politique, sont assistés dans des centres et des camps dans les régions en conflit. Nous avons assigné près de 35 millions d’euros pour l’aide humanitaire en 2020.
Nous espérons que ces informations permettront à l’opinion publique algérienne de mieux comprendre la situation qui se déroule à la frontière entre la Pologne et le Bélarus. Nous sommes persuadés qu’il est crucial de disposer d’une vue d’ensemble, surtout à une époque où la désinformation et les «Jake news» sont monnaie courante.
Veuillez croire, Monsieur le Directeur Général, à mes sentiments les meilleurs.
Witold Spirydowicz
Ambassadeur