Une peine de 4 ans de prison ferme a été infligée hier à l’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, poursuivie pour des actes liés à la gestion de plusieurs manifestations culturelles et politiques. Ordonnateur financier, Abdelhamid Benblidia a quant à lui écopé d’une peine de 2 ans de prison ferme, alors que l’ancien directeur de la culture de Tlemcen Hakim Miloud a été condamné à 18 mois de prison avec sursis.
Mis en délibéré depuis une semaine, le verdict du procès en appel de l’ancienne ministre de la Culture (2002-2014), Khalida Toumi, est tombé hier comme un couperet. Une peine de 4 ans de prison ferme a été prononcée par la chambre pénale près la cour d’Alger, tôt dans la matinée, contre l’ex-ministre et en sa présence, après avoir été reconnue coupable des délits d’«abus de fonction», «octroi d’indus avantages» et «dilapidation de deniers publics».
Une sentence en baisse de deux ans par rapport à celle qui lui a été infligée, il y a un mois, par le pôle pénal économique et financier de Sidi M’hamed. En détention depuis le 4 novembre 2019, Khalida Toumi a été jugée en appel, il y a une semaine, pour ses actes de gestion liés à l’organisation et la gestion des manifestations culturelles à caractère politique, à l’image de «Tlemcen, capitale de la culture islamique», organisée en 2011, «le Festival panafricain» en 2009, «Alger, capitale de la culture arabe» en 2007 et le film sur l’Emir Abdelkader.
Très optimistes ses avocats espéraient une décision «au pire plus clémente» et «au mieux la mise en liberté». Pour Me Boudjemaâ Ghechir, l’ancienne ministre Khalida Toumi est poursuivie pour «des manifestations à caractère politique visant à redorer l’image du pays. Les «passer outre» qu’elle a signés, après intervention du Premier ministre et du chef de l’Etat, avaient pour but de débloquer des situations financières afin de permettre le déroulement des manifestations dans les délais impartis par les plus hautes autorités. Elle n’était pas ordonnatrice, puisqu’elle a donné une dérogation de pouvoir au financier, en l’occurrence, Abdelhamid Benblidia».
Il affirme qu’elle «n’est nullement responsable» du film sur l’Emir Abdelkader, «qui a été bloqué par son successeur, à la tête du département de la Culture, alors que tout le travail de préparation, les costumes et les studios étaient prêts». Pour ce qui est de l’actrice Isabelle Adjani, l’avocat précise qu’elle avait un cachet pour sa participation à l’ouverture de la manifestation «Alger capitale de la culture arabe», «à travers la lecture de plusieurs passages d’un livre d’Albert Camus, et un contrat de 250 000 euros pour jouer un rôle dans un film, mais elle a failli à ses engagements.
Les correspondances entre elle et l’Arc (Agence de rayonnement culturel) existent et ce n’est qu’après l’intervention du défunt Président, qu’un accord à l’amiable a été trouvé pour la faire jouer le rôle de Zohra, dans le film Les Sœurs de Yamina Benguigui. Toutes les pièces de la procédure existent dans le dossier, dans lequel ont été versées les lettres du Premier ministre et du ministre des Finances, où il est clairement indiqué que les passer outre font partie des procédures légales. Malheureusement, ces documents n’ont pas été pris en compte. Nous ne pouvons pas appliquer le code des marchés publics sur ces manifestations, car chacune d’elles est dotée de textes spécifiques».
«L’affaire est sortie de son cadre légal»
L’enquête sur «Tlemcen, capitale de la culture islamique» est une affaire politique déclenchée par Saïd Bouteflika, frère de l’ex-Président déchu, et Tayeb Louh, ancien ministre de la Justice, suite à la lettre des 19 personnalités dont Khalida Toumi, adressée en 2015 à l’ex-Président lui demandant une audience. Les experts qui ont élaboré les rapports d’expertise n’étaient pas partiaux.
Ils avaient caché deux documents qui concernent «Alger, capitale de la culture arabe». Pour l’avocat, «l’affaire est sorti de son cadre légal. Elle essentiellement politique». Mais, dit-il, il ne perd pas espoir, puisqu’il compte se pourvoir en cassation devant la Cour suprême.
Par ailleurs, la chambre pénale a également prononcé une peine de 2 ans de prison contre le principal ordonnateur financier du ministère de la Culture, Abdelhamid Benblidia, soit deux ans de moins que sa condamnation en première instance, pour les mêmes griefs retenus contre Khalida Toumi. Pour sa part, l’ancien directeur de la culture pour Tlemcen Hakim Miloud (en liberté) a écopé de 18 mois de prison avec sursis.
Lors du procès en première instance, le procureur près le pôle financier a fait un lourd réquisitoire contre les prévenus, avant de réclamer 10 ans de prison contre Khalilda Toumi, 8 ans de prison ferme contre Benblidia et 5 ans contre Hakim Miloud.
Des condamnations assorties d’une amende d’un million de dinars pour chacun des trois. Dans ce dossier, la cinquantaine de témoins, majoritairement des directeurs des offices ayant été au centre de la gestion de ces événements, comme l’Oref, l’Arc, l’Onci ont été convoqués et bon nombre d’entre eux ont vu leur statut de témoin basculer vers celui de prévenu.
Une instruction a été ouverte au niveau du pôle financier, sur la présumée implication de ces derniers dans les décisions liées à «la dilapidation de deniers publics» et «l’octroi d’indus avantages». L’enquête judiciaire est toujours en cours et risque d’entraîner de nombreux cadres du secteur.