Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a entamé, hier, une visite de quatre jours en Chine. Cette visite à Pékin et Shanghai, la première d’un Premier ministre de l’île-continent en Chine depuis 20216, intervient après des années de brouille entre les deux pays.
L’Australie a réclamé une enquête internationale sur l’origine du Coronavirus, détecté pour la première fois en Chine fin 2019. Elle a interdit, en 2020, le géant chinois des télécommunications Huawei d’un appel d’offres pour la construction du réseau national 5G.
En riposte, la Chine a imposé en cette même année des droits de douane élevés sur des exportations australiennes clés, telles que l’orge, le boeuf et le vin. Elle a également cessé d’acheter en Australie d’importantes matières premières, dont le charbon. Nombre des barrières tarifaires ont toutefois été progressivement levées depuis le retour des travaillistes au pouvoir en mai 2022.
Ainsi, Pékin a réouvert son marché au charbon australien en mars dernier, puis levé des taxes prohibitives sur l’orge en août. Comme il est annoncé une possible suppression de droits de douane de 220% sur le vin en bouteille d’ici cinq mois. Le 11 octobre dernier, la journaliste sino-australienne Cheng Lei a été libérée, après plus de trois ans de détention.
L’Australie constitue un appui important pour les Etats-Unis dans leur stratégie pour contenir les ambitions de la Chine dans la région Asie-Pacifique. Et c’est devant le Parlement australien que le président américain à l’époque, Obama, avait officiellement annoncé, 17 novembre 2011, la mise en place de la stratégie dite du «pivot» qui traduit le rééquilibrage de la présence américaine vers l’Asie. Basée sur les trois D, diplomatie, développement et défense, cette stratégie consiste en le déploiement de plus de la moitié de la flotte américaine en Asie-Pacifique, le renforcement des partenariats dans le domaine militaire avec les alliés de la région et le rapprochement avec la Birmanie, l’Indonésie et le Vietnam. A cette occasion, Barack Obama a déclaré que «les États-Unis sont une puissance du Pacifique et nous sommes là pour rester».
Aukus, Quad et les « Five Eyes»
Les tensions dans les relations entre les deux pays sont montées d’un cran en 2021, quand l’Australie a annoncé son adhésion à l’accord trilatéral d’Aukus avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Dans ce cadre, les trois pays ont lancé, en mars dernier, le programme de coopération concernant les sous-marins nucléaires, dans le cadre de leur alliance baptisée Aukus. Selon Canberra, ce projet coûtera près de 40 milliards de dollars sur les dix premières années. «Nous nous mettons dans la meilleure position qui soit pour faire face, ensemble, aux défis d’aujourd’hui et de demain», a déclaré à cette occasion le président américain.
Il a implicitement fait référence à la Chine en affirmant que l’alliance Aukus devait assurer que «la zone indo-pacifique reste libre et ouverte». Le programme de sous-marins d’attaque, qui a l’ambition de remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique, se déclinera en trois phases, selon la Maison-Blanche. Il y aura d’abord une phase de familiarisation de l’Australie qui n’a pas de sous-marins à propulsion nucléaire ni de technologie nucléaire militaire ou civile. L’objectif est de déployer, à partir de 2027 et sur un principe de rotation, quatre sous-marins américains et un sous-marin britannique sur la base australienne de Perth (ouest).
Dans un deuxième temps, l’Australie achètera trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de la classe Virginia, avec une option sur deux supplémentaires. Ils doivent être livrés à partir de 2030. Dans la troisième et la plus ambitieuse étape du programme, les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni vont s’associer pour une nouvelle génération de sous-marins d’attaque baptisée SSN-Aukus. Les nouveaux navires, de conception britannique et incorporant des technologies américaines avancées, seront construits et déployés par le Royaume-Uni et l’Australie. Ils doivent être livrés à partir de la fin des années 2030 et du début des années 2040.
La Chine a critiqué ce programme en qui elle voit une «voie erronée et dangereuse», violant les objectifs du Traité de non-prolifération avec «un risque grave de prolifération nucléaire». «Ces trois pays s’engagent de plus en plus sur une voie erronée et dangereuse, au profit de leurs seuls intérêts géopolitiques et au mépris total des préoccupations de la communauté internationale», a fustigé devant la presse, le 14 mars, un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
Accusant les trois pays occidentaux d’inciter à une course aux armements, avec une alliance incarnant «une façon de penser typique de la guerre froide», il a ajouté que la vente des sous-marins «constitue un risque grave de prolifération nucléaire et va à l’encontre des buts et objectifs du Traité de non-prolifération». Fin octobre, Anthony Albanese a effectué une visite aux Etats-Unis.
Il s’agit de la neuvième fois que Biden rencontre ce dernier en tant que Premier ministre. La première réunion a eu lieu à Tokyo, quelques heures après que Albanese a prêté serment en tant que chef du gouvernement en mai de l’an dernier pour un sommet des dirigeants du partenariat stratégique avec le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad), alliance des Etats-Unis avec l’Australie, l’Inde et le Japon, espérant contrer les ambitions de domination économique et militaire de Pékin.
Canberra est aussi membre de l’alliance dite «Five Eyes» dans le renseignement avec la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis. En octobre 2022, l’île-continent a conclu un traité de sécurité avec le Japon puis avec le Vanuatu en décembre. Fin juillet 2023, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, et le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, ont effectué une visite en Australie, dernière étape d’une tournée dans le Pacifique destinée à renforcer la position de Washington dans la région.