Pour faire exécuter les décisions de la Cour internationale de justice : Guterres saisit le Conseil de sécurité

26/05/2024 mis à jour: 17:02
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Photo : D. R.

Alors que le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, annonçait la saisine du Conseil de sécurité pour faire exécuter les décisions de la CIJ, Israël intensifiait les raids aériens contre la population de Rafah, faisant des dizaines de morts.

Tout comme pour les précédentes mesures contenues dans deux ordonnances rendues par la Cour internationale de justice (CIJ), le 28 janvier et le 28 mars 2024, à la suite des requêtes sud-africaines, en indication de mesures conservatoires contre Israël, ce dernier a foulé aux pieds les décisions rendues vendredi dernier par la même juridiction. Celle-ci lui avait fait injonction «d’arrêter immédiatement» son offensive militaire à Rafah, en considérant celle-ci comme «une évolution dangereuse qui accroît les souffrances de la population (…), un danger croissant pour les civils et entraînera une destruction totale».

Pour la Cour, Israël doit «s’abstenir de toute action qui présente un danger pour les Palestiniens, maintenir les postes de passage frontaliers ouverts, particulièrement celui de Rafah, afin de permettre l’accès sans entraves, ininterrompu et à grande échelle de l’aide humanitaire, de prendre des mesures permettant effectivement de garantir l’accès sans entrave à la bande de Ghaza à toute commission d’enquête, toute mission d’établissement des faits ou tout autre organisme chargé par les organes compétents de l’Organisation des Nations unies d’enquêter sur des allégations de génocide, de soumettre dans un délai d’un mois un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance».

Des injonctions que la juridiction explique par le fait que «les efforts d’évacuation d’Israël ne suffisent pas à réduire les risques résultant de l’attaque terrestre, les mesures envers les civils ne suffisent pas à réduire les risques auxquels ils sont confrontés, Israël n’a pas fourni suffisamment d’aide pour assurer la sûreté et la sécurité des personnes déplacées et n’a pas répondu à ces questions». Mais les injonctions de la Cour sont restées lettre morte. Juste après le prononcé de l’ordonnance, l’Etat hébreu a intensifié ses raids, contre la population de Rafah, durant toute la nuit de vendredi à samedi, et la journée d’hier, faisant des dizaines de morts et autant de blessés.

«Israël n’arrêtera pas cette folie…»

Dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères et du Conseil national de sécurité, Israël a réagi en déclarant que ses «opérations à Rafah ne posaient aucun risque existentiel pour la population civile palestinienne» en assurant : «Israël n’a pas mené et ne mènera pas d’opérations militaires dans la zone de Rafah qui créent des conditions de vie susceptibles de conduire à la destruction de la population civile palestinienne, en tout ou en partie.» Néanmoins, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres a rappelé à Israël le caractère «contraignant» des décisions de la CIJ, après avoir pris note de celles-ci.

C’est ce qu’a déclaré son porte-parole, Stéphane Dujarric, lors d’un point de presse à New York. «Le secrétaire général rappelle que, conformément à la Charte et au Statut de la Cour, les décisions de la Cour internationale de justice sont contraignantes et espère que les parties se conformeront dûment à l’ordonnance de la Cour», a souligné Dujarric.

Il a annoncé en outre : «Conformément au statut de la Cour, le secrétaire général transmettra également dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité la notification des mesures conservatoires ordonnées par la Cour.» Intervenant en réaction à la décision de la CIJ et à la poursuite par Israël de son offensive à Rafah, la rapporteuse des Nations unies sur la Palestine, Francesca Albanese, a, quant elle, publié une déclaration percutante sur son compte X (anciennement Twitter).

«Israël a intensifié ses attaques contre la ville de Rafah, au sud de la bande de Ghaza, après que la Cour internationale de justice lui a ordonné d’arrêter ses opérations dans la ville. Les nouvelles que je reçois des personnes assiégées dans la ville de Rafah sont horribles. Israël n’arrêtera pas cette folie tant que nous ne l’arrêterons pas», a-t-elle averti, avant d’ajouter : «Les Etats membres doivent imposer des sanctions à Israël, ne pas lui fournir des armes et suspendre leurs relations politiques et diplomatiques avec lui jusqu’à ce qu’il mette fin à son attaque.»

Lui emboîtant le pas, le chef de l’aide humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a déclaré : «Bien qu’Israël ait rejeté les appels de la communauté internationale à épargner Rafah, la clameur mondiale en faveur d’un arrêt immédiat de cette offensive est devenue trop forte pour être ignorée. Avec l’adoption aujourd’hui de la résolution 2730 du Conseil de sécurité appelant à la protection des travailleurs humanitaires et l’ordonnance de la Cour internationale de justice d’ouvrir le terminal de Rafah pour fournir une aide à grande échelle et mettre fin à l’offensive militaire là-bas, c’est un moment de clarté.»

Pour le responsable onusien, «c’est le moment d’exiger le respect des règles de la guerre auxquelles tous sont liés : les civils doivent être autorisés à rechercher la sécurité. L’aide humanitaire doit être facilitée sans obstruction. Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations unies doivent pouvoir effectuer leur travail en toute sécurité».

De son côté, le responsable des Affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell, a parlé d’un «choix difficile» entre son soutien à l’Etat de droit et son soutien à Israël. S’exprimant lors d’une conférence à l’Institut universitaire européen (IUE) à Florence, et repris par la presse locale, M. Borrell a déclaré : «Voyons quelle sera l’action de l’Union européenne face à l’arrêt de la Cour internationale de justice qui a été rendu aujourd’hui (vendredi).

Quelle sera notre position ? Nous devrons choisir entre notre soutien aux institutions internationales et à l’Etat de droit, ou notre soutien à Israël, et il sera très difficile de rendre ces deux choses compatibles.» M. Borrell a, également, reconnu que la prise de décision de l’UE à l’égard de la guerre à Ghaza «avait été trop lente en raison des profondes divergences entre les capitales de l’UE sur la position à adopter face au conflit», avant de plaider pour la réforme du processus décisionnel de l’UE en matière de politique étrangère.

Selon lui, celle-ci «requiert le soutien unanime des 27 dirigeants», rappelant au passage que la Hongrie a notamment bloqué ou retardé des initiatives clés de l’UE en réponse à la guerre, à savoir des sanctions contre les colons israéliens violents ainsi qu’une communication commune appelant le Premier ministre israélien Netanyahu à renoncer à son projet d’invasion de Rafah.

Des manifestants pro-palestiniens critiquent l’UE

L’intervention de M. Borrell a été, selon la presse locale, interrompue par des manifestants pro-palestiniens qui ont critiqué la réponse de l’UE à la dévastation et à la perte de vies humaines à Ghaza, le poussant à lâcher : «Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée.» Pour lui, la reconnaissance par des pays européens de l’Etat de la Palestine «n’est pas un soutien au Hamas et, sur ce point, je dois vraiment contester les positions exprimées par le gouvernement israélien, selon lesquelles la reconnaissance est un cadeau au Hamas, ou un soutien au terrorisme.

C’est tout le contraire. Il est infondé, totalement infondé et inacceptable de dire que la reconnaissance – qu’elle soit ou non contre-productive – est une question de cadeau au Hamas ou d’expression d’antisémitisme, rien de tout cela». En tout état de cause, depuis vendredi, Israël n’a pas stoppé ses opérations à Rafah, ni ouvert le point de passage qui s’y trouve, et «encore moins l’accès aux journalistes et aux ONG pour enquêter sur les allégations de génocide» comme l’a ordonné la CIJ.

A ce jour, Tel-Aviv se comporte en Etat en dehors du droit international. Il est vrai que les décisions de la CIJ sont contraignantes, mais rien n’existe pour les rendre effectives. Les injonctions de haute juridiction de l’Onu vont être déposées sur le bureau du Conseil de sécurité, mais encore une fois, il est certain que l’allié et le défenseur indéfectible d’Israël au sein de cette haute instance de l’Onu, chargée du maintien de la paix et de la sécurité à travers le monde, qu’est Washington, lui opposera son veto.

Il est important de rappeler que les injonctions de la CIJ interviennent moins de cinq jours après que le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, ait demandé à la Cour, la délivrance de mandats d’arrêt internationaux contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des crimes présumés commis à Ghaza et en Israël. Une annonce qui avait suscité de violentes réactions de Tel-Aviv, allant de l’insulte jusqu’aux menaces de représailles et de sanctions contre les magistrats de la juridiction pénale qui poursuit les personnes et non pas les Etats, comme c’est le cas pour la CIJ. La réaction des responsables politiques et militaires israéliens avait choqué plus d’un. 

 

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