Ln très discret ballet diplomatique australo-américano-britannique a préludé à la remise en liberté du lanceur d’alerte australien et fondateur de Wikileaks Julian Assange. C’est ce qu’ont indiqué hier des analystes et un diplomate qui y ont pris part, selon des propos recueillis hier par l’AFP.
Au bout de près de 14 ans de saga judiciaire, l’informaticien australien, âgé de 52 ans, est sorti de prison au Royaume-Uni et faisait route mardi vers un tribunal des iles Marianne, territoire américain du Pacifique où il plaidera coupable aux termes d’un accord lui permettant de recouvrer la liberté.
Sa libération, annoncée par WikiLeaks, était en discussion «depuis un certain temps», explique à l’AFP Jared Mondschein, directeur de recherches au Centre d’études sur les Etats-Unis de l’université de Sydney. Selon lui, l’ambassadrice américaine en Australie, Caroline Kennedy, fille de l’ancien président américain John Kennedy «en parlait ces derniers mois» et «soulignait qu’il y avait un moyen de résoudre cela». Selon le politologue, les Etats-Unis ne voulaient pas abandonner les charges contre Julian Assange : «Ils voulaient qu’il plaide coupable et devaient trouver comment y parvenir sans qu’il soit aux Etats-Unis».
«Cela dit, l’affaire n’est pas encore totalement conclue», relève-t-il. «Il semble qu’il y ait un accord de plaider coupable mais s’il y a bien quelque chose que nous avons appris durant cette longue saga c’est que nous ne devrions rien tenir pour acquis et voir où on en est dans 24 à 48 heures».
La donne a commencé à changer après l’élection en mai 2022 du Premier ministre australien Anthony Albanese qui a fait de sa libération une priorité, explique sous le couvert de l’anonymat une personne ayant travaillé sur l’affaire en tant que diplomate voilà plusieurs années. Julian Assange a auparavant reçu le conseil de plaider coupable. «Les vents politiques ont changé et cela a également joué un rôle pour convaincre les gens aux Etats-Unis qu’il fallait agir plus vite», ajoute la même voix. Le Parlement australien a adopté une motion début 2024, avec le soutien du Premier ministre, demandant à ce que Julian Assange puisse retourner auprès de sa famille.
Pour Emma Shortis, chercheuse en affaires internationales et de sécurité au sein du groupe de réflexion The Australia Institute, le gouvernement australien a travaillé «en coulisses diplomatiquement» avec l’administration pour favoriser sa libération.
«Je pense qu’une partie de la raison pour laquelle c’est arrivé aujourd’hui est que cela devenait une question importante pour les relations» diplomatiques, précise-t-elle, en particulier depuis l’accord de coopération militaire AUKUS (acronyme de l’anglais Australia, United Kingdom et United States). Selon elle, «l’affaire Assange qui menace clairement les droits internationaux à la liberté d’expression était vraiment irréconciliable» avec le discours selon lequel les relations américano-australiennes «étaient basées sur des valeurs démocratiques partagées» qui a servi d’argument à la signature de ce pacte.
Johan Lidberg, directeur du département de journalisme de l’université australienne de Monash, se souvient que le président américain Joe Biden a laissé entendre en avril que son administration «prenait en considération» la demande de Canberra d’abandonner les poursuites à l’encontre de J. Assange. Toutes les parties, y compris Londres en position d’intermédiaire, cherchaient à sortir de «cette impasse dont personne ne tirait vraiment de bénéfice», conclut-il.