Portrait d’un Moudjahid : Mohamed Badkouf, un destin exceptionnel

14/10/2024 mis à jour: 05:33
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Photo : D. R.

A 80 ans, il marche encore d’un pas dynamique, allant d’un bureau à l'autre presque comme au temps de sa jeunesse. En plus de son air réfléchi, posé, son visage montre quelquefois ce côté enthousiaste.

Lui, c’est Mohamed Badkouf, un ancien Moudjahid, militant de la fédération de France du FLN, connu surtout dans le milieu du tourisme en Algérie après l’indépendance. Aujourd’hui, il gère encore, malgré son âge avancé, une station-service à l’entrée ouest de Tizi-Ouzou. Mais, avant d’en arriver là, Da Moh pour les intimes, n’avait pas fait que de vivre des insatisfactions ou des désillusions tout au long de sa vie. Ceux qui le connaissent savent qu’il a vécu des misères et des souffrances.

D’ailleurs, la cause première de son destin quelque peu exceptionnel fut avant tout la guerre d’indépendance dont il sera un militant convaincu. Malgré les années, il l’évoque encore aujourd’hui avec beaucoup d’émotion. Il évoque surtout le jour où son père l’emmena en France pour le soustraire à la répression aveugle des soldats français dans son village Issenadjène (Iflissen).

Une région connue pour sa résistance héroïque et qui a été le théâtre de l’une des plus célèbres batailles durant la révolution, à savoir l’opération oiseau bleu. Mais lorsque Da Moh arrive à Paris, tout jeune qu’il était, il sera recruté par un ami de son père, un certain Akli Cherkit, grand militant dans la Fédération de France. Akli Cherkit et d’autres responsables, comme Slimane Amirat et Rabah Bouaziz, lui confieront plusieurs missions.

Récupérer des armes, dont sa toute première fut de récupérer un cabas chez un certain Janou, un homme de nationalité algérienne, ou celui de guider des groupes de choc comme lors de l’attentat de la rue Maure dans le 19e  arrondissement parisien. En plus des armes, il avait aussi la mission de cacher des militants recherchés. Alliant la souplesse du corps, sa force d’âme et son amour pour le pays, il exécutera plusieurs missions avant d’être arrêté et torturé.

Da Moh ne mâche pas ses mots pour dire que ses bourreaux étaient plutôt des gens de chez-nous, des harkis, établis, dit-il, dans un hôtel du 18e. Mais cette brutalité qu’il subira ne fit que renforcer ses propres convictions. Dans son esprit, désormais aucun doute ne subsistait. Il fallait coûte que coûte en finir avec la colonisation.

Malheureusement pour lui il sera arrêté de nouveau, le 24 décembre 1959, à l’avenue Secrétan. La police trouve chez lui un pistolet 9mm Mac 50. Tout en sachant que les faits dont il est accusé sont graves, Da Moh ne cherchera jamais à jouer avec l’excuse de l’âge pour se repentir ou pour bénéficier de circonstances atténuantes. Il accepte son sort comme un vrai révolutionnaire et sera incarcéré à la prison de la Santé. Il passera dans ce sinistre cachot quelques années, c’est-à-dire de 1959 à 1962. Il ne sera libéré qu’à quelques jours de l’indépendance. Lounès Ghezali (Correspondance particulière)  

 

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