Pour les personnes de la génération qui a libéré le pays, à leur époque, il n’y avait ni richesse à gagner, ni prestige à atteindre. Leur seul rêve était celui de voir l’Algérie libérée du joug colonial. Amar Kara était parmi ceux que le destin avait propulsés dans cette lutte pour l’indépendance.
Sa vie même n’était cadencée que par sa force d’engagement et de militantisme. Enfant, avec d’autres de sa génération, il commença à distribuer le journal Algérie Libre et faisait d’autres petites tâches alors que le village où il est né n’était pas encore complètement acquis à l’idée de mener une révolution.
Au déclenchement de la guerre de libération nationale, en novembre 54, Amar Kara était Moussebel. Il faisait la garde pour alerter les Moudjahidines quand ils rentraient dans le village et, occasionnellement, il participait aux actions de ravitaillement des régions durement touchées, là où les accrochages avec l’armée coloniale rendaient difficile le mouvement des populations.
Sa mère, plus connue sous le surnom de «Tavlkhirt» était également Moudjahida d’une grande dimension héroïque. Tous ceux qui la connaissent disent qu’elle était capable de faits et d’actions avec un courage extraordinaire. D’une grande générosité également, elle était souvent là, à inventer des mots de courage pour pallier tout esprit de renoncement ou de peur dans les situations difficiles.
Elle sera arrêtée et emprisonnée pendant trois longues années à Tizi-Ouzou, puis Bordj Menaiel, avant d’atterrir à la sinistre prison de Berrouaghia. Lui-même sera également arrêté et emprisonné à Tigzirt, puis à Tizi-Ouzou avant de revenir une nouvelle fois à Tigzirt, plus précisément au camp Ali U Yacine.
C’est là où sa vaillance éclatera un jour puisqu’il s’évadera de cette prison réputée pour être sévèrement gardée. Il passera ensuite sept longs mois dans la clandestinité avant d’intégrer les rangs de l’ALN.
«Ce fut», se rappelle-t-il, «Ali n Saïd (Chara Ali) qui insista auprès des chefs pour qu’ils mettent fin à notre situation». «Dans les rangs de l’ALN, nous avions enfin un statut, celui de Maquisard».
Amar Kara sera vite envoyé au PC de zone de Mizrana et y travaillera avec Si Ouali Ait Ahmed (actuel secrétaire général de wilaya ONM), Ramdane Ouzaghda, Bekhtaoui Saïd et Djoudi Attoumi, Chéri-Bibi, Si Taibet et d’autres. Amar Kara resta en ce lieu même après le déplacement du PC vers un autre endroit.
Il s’occupera de la maintenance du matériel. Un jour, alors qu’ils étaient en marche pour atteindre un village limitrophe à la forêt de Mizrana, dans le but d’enterrer un certain Si Mohand U Cherif tombé au champ d’honneur la veille au cours d’un accrochage, ils tombèrent, à leur tour, dans un encerclement de l’armée coloniale. Ils ne réussirent pas tous à rejoindre la forêt dense et se mettre à l’abri.
Blessé à la main, au bras et au cou, et ayant perdu connaissance, Amar Kara sera arrêté et transféré vers l’hôpital de Tizi Ouzou. A sa sortie après des semaines de soins, il sera emprisonné jusqu’en 1962, à l’indépendance. Lounès Ghezali