Comme chaque année, au mois de Ramadhan, la «fièvre acheteuse» s’empare subrepticement d’un grand nombre de ménages oranais. Cette année encore, en dépit du contexte économique du pays, en dents de scie, les marchés de fruits et légumes, que ce soient ceux du centre-ville, d’El Hamri ou même de la commune de Chteibo, ne désemplissent pas de monde.
Il faut savoir que ce mois sacré est le premier en son genre à marquer un retour à «la vie normale», étant entendu que ceux de l’année dernière et de 2020 étaient entachés respectivement par un couvre-feu et un confinement en bonne et due forme.
Ces derniers jours, lors d’une virée dans les différents «points de chute» commerciaux, disséminés ici et là à travers la ville, on s’est rendu compte qu’ils regorgeaient de chalands, venus faire leurs emplettes en vue de garnir comme il se doit la table ramadanesque. A M’dina J’dida, vaste quartier commercial aux allées sinusoïdales, les étals de son grand marché couvert étaient bien achalandés, ces derniers jours. Légumiers, fruitiers, poissonniers et autres marchands d’épices vendaient leurs produits à la criée, face à une foule de chalands qui ne savaient plus à quel saint se vouer.
Le prix du poulet, entre 470 et 480 DA le kilogramme, faisait hausser les épaules à nombre de consommateurs qui se désolaient qu’il soit à ce point excessif. Un chaland nous a confié avoir acheté, samedi dernier, premier jour de Ramadhan, un poulet à presque 1000 DA, étant donné qu’il pesait près de 2 kg, ce qui était pour lui une folie. Pour ce qui est des légumes, les prix n’ont pas spécialement connu une hausse intrinsèque à l’arrivée du mois sacré, mais du fait qu’ils étaient d’ores et déjà élevés ces dernières semaines, les consommateurs n’ont pas trouvé leur compte. La pomme de terre était ainsi cédée, au troisième jour du Ramadhan, entre 110 et 120 DA, la tomate à 110 DA, le concombre à 160 DA.
Le poivron, par contre, était vendu à 200 DA tandis que le haricot vert à 350 DA. A la rue des Frères Naïti, dans le quartier de Plateau, comme chaque année, de nombreux commerces se convertissent en marchands de «douceurs orientales» et proposent toutes sortes de mets sucrés (chamia, zlabia, cigare et autres), tant prisés durant le Ramadhan, ainsi que les incontournables citronnades, appelées «charbet». Les marchands d’épices connaissent eux aussi un engouement sans pareil durant ce mois, les consommateurs, en effet, se ruent pour acheter ras el hanout, le cumin, les feuilles de coriandre, le persil et surtout el keriouia, particulièrement prisée durant le Ramadhan.
Pour beaucoup de chalands, faire les emplettes durant ce mois fait partie du charme ramandanesque, cette activité étant carrément érigée au rang d’attraction. «On dit qu’il n’est pas très indiqué d’aller faire les courses en ayant le ventre vide, car on est alors corrompu par notre estomac et on est tenté d’acheter des choses, par gourmandise, qui sont inutiles, pas nécessaires. Cela dit, j’adore traîner dans les marchés durant le Ramadhan, d’abord, parce que ça fait passer le temps et puis, il y a cette ambiance spécifique à ce mois qu’on ne retrouve pas le reste de l’année.
Si les prix pouvaient être plus abordables, ça serait parfait !» nous dit un chaland croisé au centre-ville. Néanmoins, il faut savoir que beaucoup de ménages, qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, quand bien même ils habitent le centre-ville, préfèrent se rabattre sur les marchés se trouvant dans d’autres communes, à l’instar de Chteibo, car réputés pour pratiquer des prix plus abordables que ceux d’Oran. Enfin, il faut savoir que certains anticipent déjà la prochaine fête de l’Aïd en achetant dès cette semaine de nouveaux vêtements pour leurs progénitures et cela afin «de ne plus avoir à y penser».
Enfin, pour beaucoup de personnes, le Ramadhan rime surtout avec le soir quand les gens, repus par plusieurs heures de jeûne suivi d’un f’tour, sortent dans les rues se dégourdir les jambes ou s’attabler dans les cafés jusqu’à pas d’heure. Pour ce qui était des premières nuits de ce Ramadhan, redoutant sans doute le froid mordant qui sévissait encore en ce mois d’avril, les gens ont préféré rester chez eux se reposer et regarder les feuilletons à la télévision.
Ce n’est que ces derniers jours qu’ils ont renoué avec «l’Oran by night» qui a retrouvé, cette année, ses lettres de noblesse davantage à l’est, comme au quartier Akid Lotfi, qu’au centre-ville.