Plusieurs prévenus, dont l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, l’ex-ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, cinq anciens walis, dont Abdelkader Zoukh, sont poursuivis dans l’affaire du groupe Amenhyd.
Le procès des cinq frères Chelghoum, propriétaires et gérants du groupe Amenhyd, spécialisé dans le domaine de l’hydraulique, s’est ouvert hier devant le pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, en présence de près d’une trentaine de prévenus, dont l’ancien l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, l’ancien ministre des Ressources en eau (MRE) Hocine Necib, cinq anciens walis, dont celui d’Alger Abdelkader Zoukh, et de nombreux cadres, notamment du secteur de l’hydraulique.
Dès l’ouverture de l’audience, Me Khader, avocat de Abdelmalek Sellal, plaide «l’annulation» de la procédure, en raison, dit-il, de l’inconstitutionnalité de la poursuite. Selon lui, le pôle n’est pas «habilité» à juger son mandant, dont le statut de Premier ministre le renvoie devant un tribunal spécial, prévu par la Constitution, mais non encore institué. La défense des frères Chelghoum demande, quant à elle, «l’annulation de la procédure», en raison des «nombreux vices de forme liés aux personnes morales», dénonçant la gestion des sociétés, objet de poursuites, par l’administrateur désigné par les pouvoirs publics.
Des demandes jointes à l’examen du fond, alors que la question de constitutionnalité a été rejetée. Le juge appelle à la barre les cinq frères Chelghoum, dont deux en détention, poursuivis pour «trafic d’influence», «blanchiment d’argent», «complicité dans la dilapidation de deniers publics», «obtention d’indus avantages» et «violation du code des marchés publics».
Il commence par Bachir Chelghoum, PDG de la société Amenhyd, qui rejette tous les faits qui lui sont reprochés. Il fait l’éloge du groupe «qui cumule 30 années de services sans faille». «Nous avons réalisé 50 à 60 projets dans la légalité. Comment pourrions-nous enfreindre la loi du jour au lendemain ?» ne cesse-t-il de clamer. Le juge le ramène au marché de réalisation de collecteurs d’eau potable à Bordj Bou Arréridj, pour un montant initial de 7,20 milliards de dinars.
«Ce marché est passé par toutes les étapes et a obtenu tous les visas, y compris de contrôle, dans le cadre de la loi. Nous étions en groupement à 60% avec la société publique Foremhyd, qui assure le pompage, le traitement... et Amenhyd, 40%, pour ce qui est du génie civil et engineering. Nous avions été retenus parce que nous étions les meilleurs en matière d’hydraulique.»
Le juge : «Pourquoi le montant du projet a été revu à la hausse pour atteindre les 12 milliards de dinars ?» Le prévenu explique : «Il y a eu un problème dans l’étude technique, laquelle a été refaite. Ce qui a suscité une hausse du montant. Notre réputation de professionnels est connue de tous. Pas plus tard qu’hier, Sonatrach nous a confié un important marché à Arzew.»
Quatre avenants pour un projet d’AEP
Le juge insiste sur les quatre avenants qu’a connus le projet d’eau potable à Bouira. Le prévenu répond : «C’est un projet national d’une grande importance. Il avait démarré en 2012. Nous étions en groupement pour la réalisation de 100 km de transfert d’eau. Amenhyd n’est concernée que pour les 32 km. Le projet est l’un des plus réussis puisqu’il permet l’alimentation en eau potable à plus de 1,2 million d’habitants. Il a connu du retard en raison des expropriations.» Le juge : «Pourquoi est-il passé de 7,2 à 11,5 milliards de dinars ?»
Le prévenu explique que «c’est en raison de la faiblesse de l’étude technique, qui était à refaire. Il y a eu des études complémentaires et supplémentaires. Cela a pris du temps mais aussi de l’argent». Il conteste le fait que l’offre d’Amenhyd soit moins intéressante que celle de Cosider, en disant que celle-ci n’a pas contesté en profitant du délai de 10 jours consacré par la loi pour les recours. «L’offre de Cosider était très faible. Elle a été rejetée sur le plan technique.
Nous avions une meilleure offre», lance-t-il. Son frère Djamel Eddine, qui lui succède à la barre, revient sur les circonstances de la création du groupe à la fin des années 1980, précisant que sa réussite durant les dix premières années «revient à ses travailleurs, que les dividendes n’ont jamais été partagés mais réinvestis, ce qui a permis l’expansion des activités».
Le prévenu affirme, en outre, que les 12 projets obtenus en 2013 par Amenhyd étaient réalisés avec des sociétés publiques, qui «viennent nous solliciter pour travailler en groupement». Abdelkader Chelghoum, actionnaire du groupe et gérant de deux sociétés, Alcahyd et Azro-concassage, se montre très étonné de se voir «entraîner dans une affaire en justice». Il explique comment ont été créées les deux sociétés et développées pour qu’elles répondent aux besoins du groupe en matière de pièces de rechange, et qu’il n’est plus gestionnaire depuis 2017.
Interrogé sur son appartement à Paris, il répond : «Je l’ai acheté en 2003, avec un crédit bancaire que j’ai remboursé après 15 ans.» Il cède sa place à Abdelaziz Chelghoum qui lance : «J’ai été choqué d’apprendre les griefs qui me sont reprochés. J’étais gérant de la société Alcahyd en 2017, et Azar Agro, spécialisée dans l’agriculture, à ce jour. Je ne sais pas en quoi je suis concerné.» Le juge l’interroge sur un terrain obtenu à Aïn Defla.
Il répond : «J’ai présenté une demande de concession au ministère de l’Industrie, pour construire une huilerie. Ils ne m’ont pas répondu et quand je me suis renseigné, on m’a expliqué qu’il y avait déjà des unités de ce genre. Ce terrain, je ne l’ai pas obtenu. J’ai présenté une demande au nom d’Alcahyd, pour un autre projet de préfabriqué en béton.»
Le juge appelle El Hadj Belkateb, secrétaire général du ministère des Ressources en eau (MRE), qui nie les griefs retenus contre lui, avant d’expliquer qu’un décret exécutif définit ses missions, en tant que SG, et qu’aucune d’elles ne lui donne les prérogatives de signer des marchés.
Les directeurs de l’industrie de Blida, Lotfi Zerrouk, et de Médéa, Bachir Sahraoui, ont quant à eux nié les faits, avant que l’ex-wali de Aïn Defla, Kamel Abbas, ne décline toute responsabilité en tentant de revenir sur le contexte, la réglementation et les procédures administratives.