Plastique, canettes et... cadavres : avec les nettoyeurs des rivières de Rangoun

09/02/2023 mis à jour: 02:39
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Sur son radeau en polystyrène, Ma Yu collecte les déchets qui polluent une rivière de Rangoun, avec d’autres nettoyeurs poussés vers les eaux sales du Pazundaung après avoir perdu leur emploi à la suite du coup d’Etat en Birmanie. Une dizaine d’autres personnes l’ont rejointe à l’aube, les visages recouverts, sous leur chapeau, d’une pâte végétale traditionnelle pour se protéger du soleil, appelée «thanaka» en birman. Ramasser des matériaux recyclables pour les vendre à des marchands constitue leur unique source de revenus depuis qu’ils ont perdu leur emploi à la suite du putsch militaire de février 2021, qui a plongé le pays dans le chaos.

«Il n’y avait pas de travail pour moi sur la terre ferme, et je dois couvrir les dépenses de santé de mes enfants et mon mari», explique à l’AFP Ma Yu, 36 ans. «Alors j’ai loué des blocs de polystyrène et je suis allée à la rivière avec ma voisine. Le premier jour, nous avons réussi à collecter du plastique et des canettes pour les vendre. Nous étions contentes», se souvient-elle. L’économie birmane subit encore le contrecoup du conflit civil qui a suivi le coup d’Etat. Au total, plus d’un million de personnes ont perdu leur emploi depuis la prise du pouvoir de la junte, selon l’Organisation mondiale du travail. Ma Ngal, dont le mari menuisier est au chômage, a commencé à sillonner le Pazundaung, ne parvenant plus à vendre des légumes et du poisson au marché comme avant. «Je n’avais pas dit à mes parents et ma famille que nous faisions ce travail», raconte la femme de 41 ans. «Mais ils l’ont su, et j’ai dû leur expliquer que je le faisais pour ma famille», ajoute-t-elle. Une bonne journée peut rapporter jusqu’à 30 000 kyat, soit 13 euros, mais la plupart du temps, la paye se situe autour de trois dollars. «Avant que nous commencions à travailler ici, il y avait beaucoup de plastique, de canettes et de bouteilles», décrit Kyu Kyu Khine, 39 ans, qui auparavant ramassait les détritus dans les rues de Rangoun pour les revendre. «Les gens n’ont aucune discipline sur comment bien jeter ses déchets. Ca tue les poissons», s’indigne-t-elle. L’équipe de nettoyeurs garde un oeil sur le calendrier des marées, qui va influencer le mouvement des détritus sur l’eau. Mais le courant changeant peut être dangereux pour les radeaux de fortune, reconnaît Ma Yu. «Parfois je pense que si quelque chose m’arrive, je suis toute seule ici et je ne peux rien faire», admet-elle. Des corps sans vie apparaissent régulièrement à la surface de l’eau, comme un rappel macabre du chaos qui règne dans la capitale économique du pays, où la criminalité a augmenté depuis le coup d’Etat, selon ses habitants. «Je ne suis pas assez courageuse pour les regarder», confie Ma Yu. «Ce n’est pas un travail facile mais la chose la plus importante, c’est que mes enfants ne meurent pas de faim», assure-t-elle.  Il y a aussi des moments plus légers, souligne sa collègue Ma Ngal. «Des gens plaisantent avec nous quand ils nous voient travailler. Ils disent : ‘Voilà l’équipe municipale, ils savent comment nettoyer la rivière’.»   

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