Accueilli au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), le spectacle déjà présenté à Laghouat et Biskra a été mis en scène par Chawki Bouzid, sur un texte du poète et dramaturge Lazhar Belefrag, dans lequel un hommage est rendu aux familles martyres de la Révolution, rappelant la sacralité des concepts de la «Patrie» et de la «Liberté».
Tiré de faits historiques réels, Al Abbas raconte en 70 mn de temps, l’histoire d’une famille de révolutionnaires et militants de la cause nationale, dont les aînés, dirigeants d’une zaouia, transmettaient leur détermination à en découdre avec le colonialisme français, à deux générations de leurs descendants, offrant ainsi à la Révolution un valeureux patronyme porté par des femmes et des hommes tombés au champ d’honneur, en martyrs du devoir.
«La Patrie est une idée et une idée ne meurt jamais !», ce message de Si Abdelhafid, l'aîné des Al Abbas, qui n’a cessé de rappeler, au-delà de la soif de liberté et de justice, la notion du devoir, «un impératif catégorique dicté par la raison, sans en donner les raisons».
Sur une scène nue qui a mis en avant le jeu des comédiens et la force du texte, la scénographie, œuvre du grand poète des espaces, Abderrahmane Zaboubi a tiré vers le haut le spectacle au regard de la sémantique des situations, appuyée par un éclairage judicieux, feutré, voire assombri, au rôle de véritable élément dramaturgique qui a accompagné le jeu de chaque personnage, grâce au professionnalisme de Abdellah Bensaada et son équipe.
Dans des atmosphères solennelles, le spectacle a été conduit par une dizaine de comédiens, dont Ismail et Ali Kerboune, deux artistes aux registres de jeu et aux talents multiples, ainsi que Ghazel Laloui, époustouflante dans son rôle de mère, incarnant l’ordre et la tradition ancestrale et qui pourtant n’a pu résister au départ de sa fille unique, rendue par Nassima Louail, partie, fusil à l’épaule rejoindre le maquis. Occupant tous les espaces de la scène, Ali Bengousmia, un autre des comédiens qui sait faire parler son corps en mouvement, Habib Mahfar, Lazhari Gueffaf, Mokhtar Zaitri, Abdellah Benalia et Miloud Benhamza, ont su porter la densité du texte, entretenant un rythme d’échanges intenses empreints de fermeté et de détermination.
Doté d’une voix pleine, le jeune Ibrahim El Khalil Chentoufa, incarnant le rôle du narrateur, a usé de déclamations en prose qui ont ravivé le patrimoine poétique ancestral pour faire évoluer la trame et narrer les événements de différentes étapes de la révolution, dénonçant, dans des ellipses temporelles, les exactions et les méthodes abominables de torture et de répression de l’armée coloniale. La bande son de l’ingénieux Aïssa Moulay a été d’un grand apport au spectacle, surprenante parfois dans ses bruitages illustrant l’artillerie et hautement dramaturgique à d’autres moments accompagnant l’émotion d’une réplique, d’un propos ou d’un verbe, à la manière des films cultes dans le cinéma d’auteurs.
«On n’en sort pas indemne après un tel spectacle !... Le jeu de la maman était poignant, elle a réussi à donner vie au personnage de Rokia et transformé des gestes et des regards ordinaires en poésies scéniques», a réagi une étudiante en classe de théâtre à l’issue de la représentation. Produit par le théâtre régional de Laghouat, le spectacle Al Abbas est prochainement attendu à Ain Defla, Djelfa, avant de rencontrer à nouveau le public de Laghouat.