Philippe Vernant. Chercheur à l’université de Montpellier et spécialiste en tectonique active : «L’épicentre ne se situe pas dans la zone la plus active du Maroc»

11/09/2023 mis à jour: 03:56
AFP
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Le puissant séisme qui a frappé le Maroc s’est produit dans une zone qui n’est pourtant «pas la plus active» du pays, explique Philippe Vernant, enseignant-chercheur à l’université de Montpellier (sud) et spécialiste en tectonique active, notamment au Maroc.

Propos recueillis par Claire Gallen

- Ce séisme est-il une surprise ?

Le Maroc fait partie des pays où on ne se demande pas s’il va y avoir des séismes, mais plutôt quand ils auront lieu. Le séisme d’Agadir (5,7 degrés en 1960) avait détruit toute la ville et fait près de 15 000 morts, et plus récemment il y a eu celui d’Al Hoceima (6,4 degrés en 2004), plus au bord de la Méditerranée.

Historiquement, on en connaît aussi au XVIIIe siècle, probablement autour de la magnitude 7 dans la région de Fès.  Après, l’épicentre ne se situe pas dans la zone la plus active du Maroc. Mais il y a le Haut-Atlas, une chaîne de montagnes assez élevées, ce qui suppose de la déformation encore en action à l’heure actuelle. Ce genre de séisme est ce qui conduit à la montée du Haut-Atlas.

- Ce séisme est-il de même nature que celui survenu en Turquie en février dernier ?

En Turquie, on était sur un mouvement horizontal, puisque la Turquie s’échappe en gros vers l’ouest, elle «part» vers la Grèce. Il y a un coulissement horizontal des plaques. Là, on est plutôt sur une convergence entre l’Afrique et l’Eurasie ou l’Ibérie, la partie espagnole, et sur des failles chevauchantes : le relief du Haut-Atlas est en train de monter sur l’avant-pays au nord. Mais on est toujours dans un contexte de limite de plaques.    

- Qu’est-ce qui explique la violence de ce séisme ?

Il faut voir à quelle magnitude le séisme va se fixer. On est autour de 6,8 ou 6,9, ce qui est une intensité assez forte. Cela correspond, en gros, à un déplacement moyen sur la faille de l’ordre d’un mètre, en quelques secondes, sur plusieurs kilomètres. Forcément, ça secoue énormément la région.

Après, il y a la profondeur : au début, elle avait été annoncée autour de 25-30 kilomètres, mais elle semblerait remonter, plus proche de 10 kilomètres. Plus on approche de la surface, plus l’effet de la rupture va être important. On a connu ça en France, en 2019, dans la région du Teil en Ardèche (sud): c’était un «petit» séisme, mais comme il s’est produit à un kilomètre de profondeur, il a beaucoup secoué.

- Faut-il redouter des répliques ?

On va avoir des répliques forcément, et même si elles sont moins fortes, ça peut conduire à l’effondrement de constructions déjà fragilisées par le séisme.

Classiquement, on a tendance à dire que les répliques diminuent en intensité, comme de petits «cracs». Il faut voir ça comme un gros élastique sur lequel on a tiré, et un morceau s’est déchiré. Mais en Turquie, un séisme en a déclenché un autre. La première déchirure peut par effet de cascade conduire à la rupture d’une autre faille, c’est ce qui fait qu’il y a parfois un risque de séisme plus fort, après un premier.   

- Peut-on prévoir ce genre d’événement?

Malheureusement, on ne peut rien prévoir. On essaie d’estimer des périodes de récurrence en fonction des différentes magnitudes des séismes ; mais après, le comportement peut être chaotique, avec deux séismes forts sur une période courte puis très longtemps sans rien. 

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