Sous un soleil hivernal éclatant, le marché hebdomadaire de bétail de Bouira, l’un des plus importants de la région, accueillait éleveurs, maquignons et clients dans la morosité, en ce samedi 5 février 2021.
Peu de ventes ont été conclues et les prix ont connu une hausse vertigineuse. C’est ce que nous ont confirmé plusieurs personnes rencontrées sur les lieux. Pour chaque bête cédée, les palabres et négociations entre commerçants, éleveurs et acheteurs étaient rudes et interminables.
Chacun exposait ses arguments pour essayer de tirer les prix à son avantage. «Je ne pensais pas que c’était aussi cher. Je suis venu acheter un taureau et je suis reparti bredouille après avoir fait le tour du marché. Voyez-vous, un taureau, pourtant de taille moyenne coûte plus de 30 millions de centimes. C’est de la spéculation !», a insisté à dire un quinquagénaire dépité. Sous nos yeux, un veau d’à peine cinq mois a été cédé, difficilement, à 180 000 DA.
Arezki, un maquignon habitué des rouages des marchés à bestiaux du pays, nous apprendra qu’il existe plusieurs paramètres à prendre en considération lors de la vente. En général, les veaux se vendent selon leurs poids, au prix de gros de la viande. Quant aux vaches, elles se négocient selon la race et productivité en lait. «J’ai assisté à des marchés où des bovins de bonne qualité ont été vendus à 700 000 DA. Donc, il ne faut pas s’étonner de ces prix au marché de Bouira ou ailleurs», a-t-il tenté d’expliquer. En outre, nos interlocuteurs étaient unanimes à dire qu’avec l’approche du mois de Ramadhan et des fêtes de mariages en été, les prix seront appelés à augmenter davantage.
Confusion chez les éleveurs
Côté éleveurs, la situation ne prête guère à plus d’optimisme. Nabil Zahar, éleveur de bovins depuis son jeune âge, évoque avec amertume toutes les difficultés qu’il rencontre quotidiennement dans l’exercice de ce qu’il considère, avant tout, comme une passion héritée de son père. «Tout est cher et, malheureusement, c’est toujours l’éleveur qui est pointé du doigt. Il faut savoir que le prix de l’aliment de bétail a presque doublé. Il est passé de 3 800 DA le quintal à 6 000 DA, en plus, d’une mauvaise qualité. Une botte de foin est à 1300 DA la moyenne. Une simple visite d’un vétérinaire coûte 1000 DA et plus», déplore Nabil.
Notre éleveur se plaint également des traitements devenus excessivement chers ainsi que des conditions climatiques marquées par le stress hydrique qui ont impacté négativement l’élevage bovin, et même ovin. «Je possède un puits dans ma ferme dont le niveau ne cesse de diminuer. Si des mesures ne sont pas prises, l’élevage bovin risque tout simplement de disparaître en Algérie», dit-il.
Les éleveurs de bovin en montagne, notamment de la race locale de petite taille, appelée la Brune de l’Atlas, ne sont pas non plus à l’abri de ces contraintes. Mourad Bourai, éleveur de la localité d’Imesdourar sise sur les hauteurs du versant sud de la chaîne du Djurdjura, à l’est de Bouira, en a visiblement gros sur le cœur : «La montagne n’est plus ce qu’elle était. Les pluies et les pâturages se font de plus en plus rares. L’automne de l’année écoulée n’était pas pluvieux. Nous sommes en plein hiver et la situation demeure la même. Si cette situation perdure, nous auront beaucoup de difficultés à affronter l’avenir.»
Mourad s’est vu, dernièrement, obligé de faire rentrer son troupeau à l’étable. «C’est la seule solution, car les animaux ne trouvent rien à manger sur les hauteurs. Ce sont aussi des dépenses supplémentaires qui m’attendent et que je ne pourrai couvrir facilement», prévoit notre interlocuteur qui soulève un autre problème crucial auquel sont confrontés les éleveurs. «Beaucoup de maladies ont fait leur apparition ces dernières années. Nous avons enregistré d’énormes dégâts. J’ai un voisin qui a perdu huit vaches en montagne. Les acariens tels les tiques ont causé aussi des ravages parmi nos troupeaux. Une fois affaiblis, une vache ou un taureau périssent facilement en montagne. Malheureusement, je n’ai pas un autre métier ni de diplômes, sinon je quitterai l’élevage en définitif», conclut Mourad.
En conclusion, si les pluies tant espérées par tout le monde ne viennent pas ces mois prochains et si la sécheresse qui sévit pour la quatrième année consécutive se poursuit, il est à craindre que toute la filière de l’élevage ovin et bovin ne s’effondre.