Les discussions s’annoncent aussi tendues que l’usage diplomatique le permet. L’Unesco doit trancher d’ici fin juillet sur l’inscription sur sa liste du patrimoine mondial en péril du site préhistorique britannique de Stonehenge ainsi que de Lumbini, lieu de naissance de Bouddha au Népal. Comme chaque année, le Comité du patrimoine mondial se réunit à l’été, cette fois-ci en Inde, à New Delhi, à partir de dimanche et pour dix jours.
Mais contrairement à l’ordinaire, c’est moins l’inscription de nouveaux sites que les menaces pesant sur certains déjà reconnus qui risquent de faire parler. Car si l’Organisation onusienne pour l’éducation, la science et la culture insiste sur le fait que placer un site sur sa liste des lieux en péril n’est pas une sanction, nombre de pays concernés, surtout occidentaux, le prennent comme tel et luttent pied à pied pour s’éviter une telle mesure. Venise, ainsi menacée par l’Unesco l’an dernier du fait des effets du réchauffement climatique et surtout du surtourisme sur la ville, a mis en place en 2024 un système de gestion des flux de visiteurs, qu’elle fait désormais payer s’ils ne restent qu’une journée lors des grandes affluences.
L’Australie, après des années de confrontation avec l’Unesco, a finalement investi, à la faveur d’un changement d’exécutif, trois milliards d’euros pour améliorer la qualité de l’eau, réduire les effets du changement climatique et protéger les espèces menacées, afin que la Grande barrière de corail ne soit pas jugée en péril. Le gouvernement britannique a, lui, longtemps ferraillé pour imposer un projet de tunnel routier passant près de Stohnehenge, le «cercle de pierres préhistorique le plus sophistiqué au monde d’un point de vue architectural», selon l’Unesco, qui l’a classé au patrimoine mondial en 1986. La justice britannique avait bloqué une première version du projet en juillet 2021, faisant part de ses craintes concernant son impact environnemental sur un site construit par étapes entre environ 3000 et 2300 ans avant Jésus Christ. Mais les conservateurs, au pouvoir 14 années durant, étaient allés de l’avant, arguant que le tunnel allait au contraire davantage protéger Stonehenge en désengorgeant ce site.
«Inquiétude»
Or, les travaillistes du nouveau Premier ministre Keir Starmer, aux affaires depuis juillet, ont une «ligne» différente sur cette question, selon Lazare Eloundou, directeur du patrimoine mondial à l’Unesco, qui dit toutefois ignorer les propositions que formulera Londres à New Delhi au sujet de Stonehenge. Autre point sensible, Lumbini, le lieu de naissance de Bouddha au Népal, longtemps perdu et envahi par la jungle avant sa redécouverte en 1896, lorsque la présence d’un pilier du IIIe siècle avant notre ère portant des inscriptions a permis aux historiens de l’identifier. Un siècle plus tard, en 1997, il a été intégré par l’Unesco au patrimoine mondial et est visité chaque année par des millions de bouddhistes. «Le site est en danger parce que beaucoup de monuments ne sont pas bien entretenus et sont en train de se dégrader fortement», observe M. Eloundou. «Et puis il y a beaucoup de projets complètement inadaptés», tout ceci «affectant un peu la valeur universelle du site», note-t-il.
«Toute l’Asie du Sud-Est est en train de regarder cela avec beaucoup d’inquiétude», estime Lazare Eloundou. A New Delhi, le comité du patrimoine se penchera également sur les sites déjà considérés comme en péril du fait de l’instabilité des pays dans lesquels ils se trouvent, comme Bamiyan et ses bouddhas en Afghanistan ou Sanaa au Yémen mais aussi d’autres sites qui, à la faveur d’améliorations, pourraient sortir de cette liste.
A l’instar du parc naturel du Niokolo Koba, au Sénégal, longtemps fui par sa faune, mais que les éléphants regagnent désormais -- ce qui n’est pas forcément le cas d’autres espèces, notamment le lycaon, peuplant les lieux, souligne-t-on à l’Unesco. L’organisation onusienne étudiera enfin l’inscription de 25 nouveaux sites au patrimoine mondial, dont les îles Marquises en Polynésie française, les sites de mémoire liés à Nelson Mandela en Afrique du Sud, ou encore le parc naturel de Lençois Maranhenses au Brésil, vaste étendue de dunes de sable entrecoupées de lagunes tantôt bleu profond, tantôt vert turquoise.