Patrimoine culturel Algérien : Les femmes éternelles protectrices

13/05/2024 mis à jour: 21:08
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El Watan

Reconnu pour sa richesse et ses racines historiques, le patrimoine culturel algérien est régulièrement confronté à des tentatives de spoliation par certaines communautés. Un exemple récent de cette problématique est l'affaire du caftan d'El Kadi, nouvellement ciblé par de telles pratiques inadmissibles. En réponse, le gouvernement algérien déploie plusieurs initiatives visant non seulement à protéger son patrimoine culturel mais également à en promouvoir la valeur à l'échelle internationale.

Il est 10h au palais de la Culture Moufdi Zakaria. Artisans, couturiers, joailliers, tapissiers, maroquiniers et bien d’autres talents viennent tout juste d’arriver. Ils déballent encore une fois leurs créations tirées d’un livre d’histoire racontant la richesse du patrimoine algérien. C’est le festival national de la création féminine. 
Une rencontre annuelle qui met en lumière la contribution significative des femmes algériennes dans la préservation et la création du patrimoine culturel. « La femme algérienne a beaucoup de volonté. Elle perce et se défie dans tout ce qu’elle entreprend », a déclaré Semrouni Nasro, artiste créateur de sacs, abat-jours et tableaux en cuir. Nadia en est une.

Le tissage, d’une passion à un métier

Créatrice de l'association « Tirsalte Aghilane » à Ghardïa, Nadia a transformé sa passion pour le tissage en un véritable métier.  Son objectif : enrichir du patrimoine culturel algérien. Cette profession lui permet de transmettre son savoir-faire et son expérience à toutes ces femmes désireuses d'apprendre cet art. 
L'association « Tirsalte Aghilane » a pour but de former au tissage non seulement les femmes du territoire national à travers des collaborations avec des agences de tourisme. Ce voyage s’inscrit dans une culture touristique pour découvrir le désert algérien et apprendre certaines de ces célèbres activités culturelles. “ Ces efforts rentrent tous dans une logique de rapprochement culturel entre le Nord et le Sud d’un pays dit “Continent”. Le domaine de l'art ne connaît pas de barrière d'âge : aussi bien les fillettes de 12 ans que les dames de 70 ans peuvent s'y intéresser, pourvu qu'elles soient passionnées et patientes”, témoigne fièrement Nadia en plaçant soigneusement ces sacs traditionnels et tapis faits main. Elle poursuit : « Durant l'été, alors que beaucoup fuient l'insupportable chaleur du Sahara, nous ouvrons nos portes à celles qui y restent. En un mois, elles apprennent à tisser à des prix symboliques. Elles peuvent ainsi développer leurs propres créations pour travailler depuis chez elles », explique notre artisane. Ses apprenties sont une source d'inspiration, chacune intégrant ses propres expériences dans ses créations. Pour valoriser ces œuvres d'art reflétant la riche culture algérienne, Nadia participe également à plusieurs concours internationaux où elle a déjà été récompensée pour sa créativité et ses pièces uniques. L'originalité de chaque pièce exposée réside dans le choix des couleurs, ajoutant une touche moderne qui répond aux goûts des consommateurs contemporains tout en préservant l'aspect traditionnel à travers des motifs tels que l'homme, le feu, les outils de chasse, etc.


« Le métier d'artisan n'est pas facile, nos créations sont souvent copiées sans permission », s'inquiète Nadia qui lance un appel au nom de tous ses semblables pour la mise en place d’un cadre juridique solide pour la une protection de la propriété culturelle et sécuriser le fruit de leurs efforts. “Une création peut être facilement reproduite et usurpée simplement à partir d'une photo prise lors d'une exposition. La protection de ces droits est donc devenue une nécessité pour encourager les artisans à innover et à continuer de produire”, abonde-t-elle.

Tableau de mode

Elle s’appelle Ward. Elle est jeune créatrice de costumes. Elle trouve son inspiration dans les tableaux de Baya Haddad Mahieddine pour réaliser des chefs-d’œuvre. “ Qui ne connait pas la grande Baya ?  Peintre autodidacte algérienne, elle est née en 1931 à Bordj El Kiffan (Alger) et décédée en 1998. Elle est devenue célèbre pour ses peintures colorées et vibrantes qui illustrent souvent des scènes de vie quotidienne, peuplées de femmes, d'animaux et de plantes stylisées. J’apprécie l’œuvre de Baya non seulement pour son esthétique unique, mais aussi pour la manière dont elle reflète les traditions et la culture algérienne. Chaque détail de ma tenue a un sens : les courbes illustrent la morphologie de la femme algérienne, souvent représentée avec des formes volumineuses. Le choix des matériaux et des couleurs est également significatif. La robe kabyle a été une de mes principales sources d’inspiration », explique Ward. Pour elle, Baya a contribué de manière significative à la scène artistique nord-africaine et reste une figure inspirante pour de nombreux artistes contemporains.

Jeunes influenceurs au service de la promotion du patrimoine culturel algérien

Le festival a également permis à de jeunes influenceurs de partager la richesse du patrimoine culturel algérien à travers les réseaux sociaux, devenus des vecteurs clés dans la diffusion de l'art algérien auprès d'un public international. Parmi eux, Iyas Begriche, alias "iyasoony", est un créateur de contenu dédié à la promotion et à la protection de la richesse culturelle algérienne. À travers ses vidéos attrayantes, Iyas partage avec sa communauté les aspects de la gastronomie, du patrimoine et de la musique algérienne. « J’essaie de créer des vidéos cool pour attirer les gens, surtout les jeunes et les sensibiliser à la promotion et valorisation de notre joli patrimoine », explique-t-il. Le sourire de fierté sur le visage, il raconte son expérience lors de la Foire de Paris qui regroupait des exposants du monde entier.  Iyas s'est rendu au stand "Algérie" pour couvrir l'événement. Il a partagé une vidéo mettant en avant les différents artisans participants sur ses réseaux sociaux. “ Cependant, mon acte de bonne foi a pris une tournure malheureuse “ou heureuse” lorsque Lyna Couture, une créatrice algérienne, a été victime de lynchage et de menaces.  Aujourd’hui, une certaine communauté tente de piller notre patrimoine. Nous sommes aujourd’hui de plus en plus nombreux à vouloir le protéger. Je pense qu'il y a de la place pour tout le monde et que chacun peut briller avec son propre patrimoine », déclare Iyas qui salut la communauté algérienne et notre représentation diplomatique qui ont réussi à protéger la jeune styliste. “ La fierté des Algériens est incomparable. En geste de soutien et de solidarité, ils ont vidé le stand de la jeune styliste. Toutes ses créations ont été achetées”,  raconte d’un air amusé notre jeune influenceur. Pour ses projets à venir Iyas dévoile un scoop:  "Le guide DZ", qui est en phase finale de production, sera bientôt lancé. Ce manuel recensera toutes les activités algériennes à travers le monde entier. En d’autres termes, toutes les activités couvrant les domaines de  la gastronomie, de l'événementiel, de la musique et  bien plus encore y seront placées.
Pour rappel, le festival de la création féminine se tient cette année sous le thème « Costumes et parures : un patrimoine à travers l’histoire ». Inauguré par la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, Cette 9e édition qui a commencé le 07 mai se poursuivra jusqu’au 19 de ce mois en cours. 
Pour ses initiateurs, cette exposition met en valeur l'histoire des différentes tenues traditionnelles algériennes. “ Présentées sur scène, chaque pièce raconte ses racines et ses origines, témoignant de la richesse et de l’évolution du patrimoine culturel algérien. Le salon est également agrémenté d’affiches illustrant divers habits traditionnels algériens, allant du caftan, à la robe kabyle et aux tenues de la femme targui. Dans ce même contexte, nous avons programmé un court métrage relatant l’évolution de la manière dont l’homme s’habillait, depuis la préhistoire utilisant le cuir pour se protéger du froid jusqu'aux premières civilisations qui ont favorisé le développement des relations sociales et le commerce”, dévoile fièrement M. Sidali Benmerabet, commissaire du festival avant de souligner que ces échanges humains ont permis la transmission de la culture et des matériaux qui ont contribué à l’évolution des tenues vestimentaires algériennes à travers le temps. 
Un atelier de peinture sur miroir se tient tout au long du festival pour encourager les visiteurs à découvrir l’esprit artisanal et à tenter de nouvelles expériences. Pour ajouter une touche de modernité, des écrans tactiles avec des jeux pour enfants, comme des jeux de mémoire et des puzzles sur le thème des « costumes et parures », ont été mis en place.

 

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