Le deuil et la désolation. Les feux ont de nouveau frappé et violemment là où on les craignait et devait les attendre. Dans ces massifs et contreforts forestiers vulnérabilisés par une sévère sécheresse et martelé pendant des mois par des épisodes caniculaire sans précédent.
Des morts, dans des conditions atroces, des villages enfoncés davantage dans leur dénuement, et cette fois des lieux touristiques amochés pour de longues années et désormais plongés dans l'incertitude. Mais il y a aussi ce cortège de véhémences, de condamnations toutes faites et de raccourcis qui ne dit rien de bon quant à une prise de conscience des nouveaux contextes et de l’ampleur nouvelle des menaces.
La colère, que peuvent exprimer les populations meurtries et accablées directement par le sinistre, tire sa légitimité incontestable des horreurs vécues. Elle doit être entendue et prise en compte.
Les bilans des plans de lutte anti-incendies doivent bien évidemment être faits et interrogés ponctuellement, de même que le rendu opérationnel des actions menées sur le terrain en la fatidique journée meurtrière de lundi dernier. Pour en tirer des conséquences et des enseignements et éventuellement sanctionner des défaillances si elles venaient à être identifiées.
Les pertes humaines et les dégâts auraient-ils pu être évités ou limités ? A-t-on, a contrario, réussi à éviter le pire et une catastrophe plus douloureuse que celle subie ? Qui peut réellement statuer sur ce bilan là ou sur l’autre aujourd’hui, si ce n’est, les femmes et les hommes de terrain, les spécialistes, en tout cas tous ceux capables d’un débat plus serein et responsable que les inévitables verdicts expéditifs et stériles qui font mousse après chaque sinistre enduré.
Le prix extrêmement fort payé en vies humaines et dégâts matériels ces derniers jours dans la wilaya de Béjaïa et ailleurs, celui traumatisant des feux de Larbaa Nath Irathen, il y a deux ans, comme celui des incendies d'El Tarf l’année dernière, imposent le devoir moral d’un travail honnête et sérieux, sur ce qui marche et ne marche pas, loin des raccourcis et des jugements à l’emporte-pièce qui continuent à parasiter le vrai et nécessaire débat, via notamment les réseaux sociaux.
L’Algérie, pays méditerranéen dont le Nord est généreusement doté d’un manteau forestier, connaît des feux de forêt estivaux depuis des lustres. Jusqu'à il y a quelques années, le pays déplorait chaque saison chaude des centaines, voire des milliers d’hectares de forêt et de maquis partis en fumée. Mais la menace s’est étendue désormais, avec insistance, à l’intégrité des personnes et des biens.
Que s’est-il donc passé pour que le danger atteigne les propensions mortelles que l’on connaît, alors que le pays a fait l’effort de se doter de moyens de prévention et de lutte et autrement plus importants qu’avant ? Les forestiers, les écologistes, les professionnels de la Protection civile, savent que la nouvelle configuration climatique change complètement la donne, et invitent urgemment à la révision de tout le protocole classique de prévention et d’intervention.
C’est leur parole qui doit peser dans le contexte pour qu’elle se prolonge en mesures et comportements à l’échelle institutionnelle, locale et nationale, dans le monde associatif et chez le citoyen.
La protection des forêts, mais aussi des populations, face à la menace accrue des incendies, est un défi majeur dans les pays du sud de l’Europe, en Amérique du Nord et en Méditerranée, les trois grandes régions du monde exposées aux effets les plus sévères du réchauffement climatiques.
L’Algérie est directement concernée et le bilan meurtrier enregistré ces dernières années se passe de tous palabres sur le caractère exceptionnel des risques. Mais il ne peut se passer d’un sérieux débat, dépassionné et responsable, sur ce que nous pouvons faire, Etat et société, pour ne plus subir la tragédie à répétition.