Avec les métiers de l’artisanat, les connaissances populaires et une place dans la production culturelle, le palmier dattier s’est imposé dans l’imaginaire collectif comme un élément commun de l’identité algérienne et du patrimoine populaire.
Cet arbre, avec ses fruits et tous les produits de transformation, a été adopté depuis des siècles par les sociétés des régions connues pour la culture du palmier dattier, source de vie et de revenu et symbole de résistance et résilience. Membre actif de la société civile dans la wilaya de Touggourt, Brahim Bachi évoque la relation particulière entre le palmier et l’agriculteur qui lui prodigue des soins particuliers lors de la plantation, de l’irrigation ou pour la protéger des parasites, «comme ferait un père avec sa fille».
Chercheur au Centre national de recherches en préhistoire, anthropologie et histoire (Cnrpah), Louiza Gallez indique que le palmier dattier prend de nombreuses appellation en Algérie dont el djebbara, el hachana, el fessila ou encore el bent, précisant que cet arbre porte également le nom de tazedait en tamazight, de ziouane dans la région du Touat, ou encore el aâmma. Cet arbre culminant et enraciné dans les profondeurs de sa terre, occupe une place de choix dans les habitudes de consommation algériennes, la datte étant consommée fraîche, séchée ou transformée, les troncs des vieux palmiers étant utilisés dans les architectures traditionnelles oasiennes basées sur des matériaux écologiques locaux, alors que les palmes se récupèrent dans la vannerie.
Des utilisations qui rivalisent d’ingéniosité et qui ne laissent rien se perdre, qui font du palmier une source intarissable de revenus depuis des siècles. Louiza Gallez explique que les Algériens ont, de tout temps, fait preuve d’une grande ingéniosité dans la culture et l’exploitation du palmier dattier, même sur le plan socioculturel, et considère cet arbre comme une «partie intégrante du patrimoine agricole du pays» et un vecteur important du développement économique au même titre que l’olivier.
La culture du palmier dattier, très répandue dans les wilaya du sud du pays, devenues leaders de la production nationale, à l’instar de Biskra, El Oued, Ouargla et Adrar, en plus d’autres wilaya, comme Ghardaïa, Illizi, Béchar, Laghouat, El Bayadh, Naâma ou encore Tindouf, une richesse qui a déteint sur le langage des populations de ses régions et leurs traditions, poursuit la chercheur.
La datte s’est également imposée dans l’assiette des Algériens grâce à la créativité culinaire des familles productrice, ce fruit étant consommé frais, sec, mélangé à de la semoule et des céréales, avec un couscous, ou sous forme de boisson, de confiture et de poudre sucrée, explique Louiza Gallèz, chercheure associée au classement du couscous sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. En plus de sa valeur nutritive et économique, la datte a également été intégrée comme «vecteur spirituel» et dans de nombreuses utilisations liées à la médecine traditionnelle pour soigner de nombreux maux et satisfaire plusieurs croyances populaires.
Des chercheurs de la région de Touggourt se sont intéressés à l’utilisation de la datte dans la médecine traditionnelle, comme pour retirer les épines de la peau avec une pâte de datte qui aspire l’intrus, ou pour soigner les problèmes de digestion, de tension artérielle ou les maux liés au stress.
Natif de cette ville oasienne, Brahim Bachi raconte, lui, que de nombreuses légendes entourent le palmier dattier considéré comme ami de l’homme depuis toujours, l’imaginaire collectif retient que cet arbre «faisait peur aux colonisateurs» et que les habitants enduisaient leurs portes avec de la pâte de datte comme gage de bon augure. (APS)