Les locaux du parti de Bobi Wine, principal opposant en Ouganda, ont été encerclés hier «par des policiers lourdement armés», a-t-il affirmé à la veille d’une manifestation contre la corruption, interdite par les autorités.
Les locaux de la Plateforme d’unité nationale (NUP) à Kavule, dans la banlieue de la capitale Kampala, sont «assiégés par des policiers et des militaires lourdement armés», a déclaré Bobi Wine, de son vrai nom Robert Kyagulanyi, qui voulait organiser une conférence de presse. «Nous nous y attendions de la part de ce régime, mais nous n’abandonnons pas la lutte pour libérer l’Ouganda», a-t-il ajouté.
L’Ouganda est dirigé d’une main de fer depuis 1986 par le président Yoweri Museveni. Les autorités ougandaises ont souvent réprimé le NUP ainsi que Wine, ex-popstar et qui a défié le président Yoweri Museveni lors de la dernière élection présidentielle en 2021.
Durant cette élection, entachée de fraudes, selon l’opposition, des manifestations contre une énième arrestation de l’opposant Bobi Wine ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre, faisant au moins 54 morts. Bobi Wine, qui a partagé sur X des photos des locaux encadrés par des forces de l’ordre, a également affirmé que plusieurs responsables de son mouvement avaient été arrêtés.
Un porte-parole de la police, Kituuma Rusoke, a déclaré que ce déploiement a été décidé «pour des raisons de sécurité». «Il y avait des renseignements très crédibles selon lesquels une foule importante aurait été mobilisée pour assister à la conférence de presse, ce qui aurait pu perturber la paix», a poursuivi le porte-parole.
«Verser leur sang»
Une manifestation vers le Parlement, interdite par la police mais maintenue par les organisateurs, est prévue aujourd’hui contre la corruption. «Alors que les Ougandais se rendront demain au Parlement pour protester, ils devraient être conscients que le régime est prêt à verser leur sang pour rester au pouvoir, mais cela ne devrait effrayer personne», a affirmé Bobi Wine. La police a interdit samedi cette manifestation, évoquant des risques de «chaos». «Nous réaffirmons notre position selon laquelle nous ne tolérerons aucun comportement désordonné», a déclaré Kituuma Rusoke, tout en dénonçant une «approche potentiellement anarchique». Le président Museveni a mis en garde samedi lors d’un discours à la nation ceux qui comptent manifester, déclarant qu’ils «jouent avec le feu» et critiquant «certains éléments (qui) ont planifié des manifestations illégales, des émeutes».
Selon l’ONG Transparency International, l’Ouganda pointe au 141e rang sur 180 en matière de corruption. Fin mai, les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre cinq hauts responsables ougandais, dont la présidente du Parlement, Anita Among, en raison d’accusations de corruption ou de violation des droits humains. Kampala a critiqué cette décision, appelant au respect de sa «souveraineté» et de sa «justice». Le mouvement, qui a pris forme sur les réseaux sociaux autour du hashtag «StopCorruption», est organisé hors de tout cadre politique. Les organisateurs se sont inspirés des manifestations qui secouent depuis plus d’un mois le Kenya voisin.
Depuis le 13 juin, des rassemblements y sont organisés contre un projet de budget décrié, finalement retiré par le président William Ruto, mais également contre la corruption. Les manifestations au Kenya ont viré au chaos le 25 juin, lorsque le Parlement a été brièvement pris d’assaut. La police avait alors tiré à balles réelles. Selon une organisation officielle de défense des droits humains, au moins 50 personnes ont été tuées au Kenya depuis le début des rassemblements.