L’Association de protection contre le sida (APCS) vient de publier une étude relative à l’évaluation de «l’accès aux droits de santé reproductive des migrantes subsahariennes».
Se focalisant sur deux villes, Oran et Béchar, cette étude a été réalisée récemment par un groupe de chercheurs pluridisciplinaires, parmi lesquels on compte Dahmani Sabrina, Hachem Amel, Benabeb Aïcha et Tadjeddien Abdelaziz, et s’est donné pour objectif de «tenter de cerner l’état de la santé reproductive des migrantes subsahariennes en Algérie».
Il s’était agi, donc, de comprendre les logiques sociales des femmes migrantes «qui entrent en jeu et influencent l’accès aux soins de santé reproductive».
Le but, en effet, nous explique-t-on, étant de renforcer les capacités d’action des acteurs de la société civile et sensibiliser, par-là même, les professionnel de la santé «à un accueil et une prise en charge sans stigma et sans discrimination des personnes migrantes».
Cette étude, qui s’est voulue à double approche (autant qualitative que quantitative), a touché un total de 500 femmes migrantes de différents âges et statut matrimonial (219 cas à Oran et 281 à Béchar), et les résultats ont montré qu’une femme sur trois n’est pas bien accueillie dans les services de santé, que ce soit dans la ville d’Oran que celle de Béchar. «Les résultats de l’étude ont montré que les migrantes sont généralement jeunes, en majorité accompagnées d’un membre de famille ou ami(es), ce qui caractérise la migration subsaharienne.
Les pays d’origine sont essentiellement le Cameroun, Mali, Nigeria, Niger et Congo. La quasi-totalité des migrantes a un statut administratif non régularisé.
En général, elles migrent pour chercher une meilleure vie en raison de la dégradation des conditions de vie dans leur pays d’origine.
L’expérience de violence (sexuelle, psychologique et morale) subie apparaît comme élément caractérisant tout le parcours migratoire des migrantes», informe l’APCS qui signale que ce qui pose problème, et représente même un obstacle majeur, est l’accès des migrantes aux services de «santé reproductive».
«Le suivi de consultation prénatale est appréhendé en référence à la dimension relationnelle et sociale entre les migrantes et le personnel soignant. La majorité des femmes privilégie néanmoins le secteur étatique des soins (CHU, EHU, EHS, la maternité) pour y accoucher.»
Risques sanitaires
«Elles ont été confrontées à de multiples obstacles pour accéder à des soins de santé appropriés. Elles ont été exposées aux risques sanitaires en raison de leur parcours migratoire difficile», et d’expliquer que la migration chez les femmes «peut provoquer des bouleversements concernant leur maternité et leur vie reproductive». «Leur discours a montré aussi que parmi les barrières à l’accès aux soins rapportées, la première est l’obstacle financier suivi par le sentiment de discrimination.
Elles déclarent avoir rencontré des réactions négatives et surtout un certain racisme de la part des soignants, dont certains associent migrante et sida», rapporte l’étude qui précise que les migrantes interviewées ont évoqué constamment «la discrimination faite à leur égard en raison de leur origine».
«Suite à la stigmatisation de certains professionnels de santé et du personnel administratif, cette discrimination apparaît dans bien des situations comme l’un des facteurs explicatifs des inégalités d’accès aux soins. L’accueil, qui est une dimension relationnelle importante dans les pratiques de soins, reste particulièrement dissuasif. L’utilisation de la contraception est considérée par les migrantes comme une pratique interdite empêchant la survenue de l’enfant (...) Le préservatif est le moyen contraceptif le plus utilisé. Il est utilisé non pas comme un moyen contraceptif, mais plutôt comme un moyen de prévention contre les IST-VIH sida».
«L’enquête a démontré clairement les insuffisances vécues par la population migrante dans l’accès aux services de santé», explique-t-on enfin, avant d’ajouter, en guise de conclusion : «Assurer aux migrantes l’accès aux infrastructures médicales et à des soins de qualité, à travers la mise en place de mécanismes qui leur seraient dédiés, apparaît comme un véritable défi qui permettrait d’améliorer considérablement la santé reproductive et la santé générale de l’ensemble de cette population.»