Les mentalités rabougries ont décidément la peau dure. A Oran, dans l’une des artères les plus prisées du centre-ville, en l’occurrence l’avenue Larbi Tebessi (ex Loubet), de clinquants cafés, dotés de majestueuses terrasses, ont ouvert les uns après les autres au cours de ces dernières années.
Ils sont au total une demi-douzaine à avoir vu le jour, apportant à cette longue avenue, qui abrite déjà deux bar-restaurants, un surcroît d’animation. C’est surtout l’été dernier que ces nouveaux établissements ont connu un engouement sans pareil, avec les terrasses blindées et constituées d’une clientèle…certes timidement mixte, mais mixte quand même.
Cela n’a été, cependant, pas du goût de certains tenanciers qui ont décidé, toute honte bue, de placarder cet écriteau au fronton de leur troquet, où on peut lire : «Ce café est strictement réservé aux hommes (merci de votre compréhension)». A vrai dire, sur les sept terrasses longeant l’ex-avenue Loubet, ils ne sont que trois à avoir placardé cette triste affichette, dont l’une, se voulant plus circonspecte, avait cru bon de préciser : «ce café est réservé aux hommes et aux familles» ce qui n’est pas non plus malin, admettons-le. Les quatre autres cafés de Loubet, dont pour deux d’entre eux la mixité a toujours été de mise, un fait acquis, leurs propriétaires n’ont pas cru bon, et c’est tant mieux, entreprendre la même démarche que leur collègue d’infortune.
Autant dire qu’au rang de la société civile, particulièrement chez celles et ceux qui aiment à siroter un petit noir, ou un thé à la menthe, installé dans une terrasse, cette affaire a fait pour le moins jaser. «S’ils croient, par cette directive, nous mettre l’âme en peine, ils se mettent le doigt dans l’œil. Grâce à dieu, il y a bien d’autres cafés où on peut s’y rendre à Oran sans que personne ne nous agresse du regard. On ne va pas s’en priver», dira une trentenaire, habitant le centre-ville. Les propos d’une autre, la quarantaine, se veulent plus ferme : «la question n’est pas de boycotter ou non ce genre cafés, ou faire fi de leur existence, il faut juste rappeler que du point de vue de la législation, ils n’ont aucun droit d’interdire aux femmes l’accès à une cafétéria, et cela quoique puisse être leur motif. Ça s’appelle de la ségrégation, de la misogynie».
Rappelons enfin que cette affaire n’est pas nouvelle à Oran, les plus anciens se souviennent en effet d’un café appelé «Eden», situé en face de la cathédrale d’Oran, qui avait lui aussi, durant les années 1970, interdit son accès aux femmes. Cela avait créé un tel boucan que même la presse d’alors avait réagi, notamment le journal francophone la République qui avait écrit un article dont le titre était : «un Eden interdit aux femmes»