Noureddine Yassa. Commissaire aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique : «L’Algérie capitalise l’expertise nécessaire pour la production de l’hydrogène»

25/01/2023 mis à jour: 03:48
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Noureddine Yassa. Commissaire aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique

Quel est le potentiel de l’Algérie en termes d’hydrogène vert ?

Selon des études réalisées par le Centre de développement des énergies renouvelables ou dans le cadre de la coopération algéro-allemande, le potentiel théorique global de l’Algérie en matière de production d’hydrogène vert (renouvelable) est estimé à plus de 7600 millions de tonnes par an. C’est grâce principalement au potentiel solaire exceptionnel de l’Algérie, qui est considéré parmi les plus importants au monde (plus de 2000 kwh/m2). A cela s’ajoute la durée d’ensoleillement sur la quasi-totalité du territoire national qui dépasse les 2000 heures annuellement et pouvant atteindre les 3900 heures (dans les Hauts-Plateaux et le Grand-Sud) ainsi que le potentiel assez appréciable en énergie éolienne.

Selon vous, l’Algérie est-elle plus qualifiée que d’autres pour devenir, à moyen terme, un pays pivot dans la production et l’exportation d’hydrogène vert vers les marchés mondiaux ?

Des études crédibles issues des institutions de recherche de renommée classent l’Algérie parmi les pays où l’hydrogène vert (renouvelable) pourrait être produit à des coûts très compétitifs. A titre d’illustration, le coût de l’hydrogène livré à l’Allemagne à partir de l’Algérie comparé à d’autres pays de l’Afrique du Nord et de Moyen-Orient, en tenant compte des coûts de production et de transport est le plus compétitif. Il pourrait descendre sous la barre de 1 dollar le kilogramme d’hydrogène vert à l’horizon 2040. Cela s’explique par de nombreux avantages comparatifs de l’Algérie ; sa situation géographique privilégiée (à proximité du marché européen), son gisement solaire singulier, ses réserves en eau, ses infrastructures gazières et électriques solides et étendues, ses centres de recherche & universités actifs et performants, son tissu industriel en pleine croissance et sa maîtrise et savoir-faire avéré dans le domaine de la production de l’hydrogène gris, ammoniac, urée, raffinage et pétrochimie.

Qu’en est-il du partenaire italien dans cette filière ?

Le partenariat algéro-italien dans le secteur énergétique est à la fois ancien et très solide. En tant que fournisseur fiable d’énergie carbonée de l’Italie et bénéficiant des infrastructures de transport du gaz liant l’Algérie à l’Italie et celles qui vont être réalisées, l’Algérie pourra l’approvisionner en énergie décarbonée sous forme d’électrons (électricité) et de molécules (hydrogène notamment vert et ses dérivés, principalement l’ammoniac). Cela fait de ces deux pays amis, des acteurs majeurs de l’énergie propre et durable dans le bassin méditerranéen.

On parle aussi du potentiel de l’Algérie pour produire l’hydrogène bleu.

Qu’est-ce que l’hydrogène bleu ?

L’hydrogène bleu ou dans certaines nomenclatures hydrogène propre c’est carrément de l’hydrogène gris décarboné. Il s’agit d’un procédé qui consiste à produire de l’hydrogène à partir du reformage du méthane à la vapeur (hydrogène dit gris) suivi du captage et du stockage de carbone ou de captage et d’utilisation de carbone. Il faut savoir que l’Algérie produit de l’hydrogène à partir du vaporeformage du méthane pour l’utiliser notamment dans les industries chimiques et pétrolières et comme matière de base pour la production d’ammoniac et de méthanol. Par conséquent, l’Algérie capitalise l’expertise nécessaire pour la production de l’hydrogène. Le passage vers l’hydrogène bleu ou propre, à travers le captage ou la transformation du CO2, permet donc de réduire l’empreint carbone dans ses différents usages.

Vous avez parlé de décarbonisation des produits pour continuer d’exporter. Pouvez-vous vulgariser cela ?

Parmi les mesures de ripostes pouvant permettre à notre pays de faire face à l’application de taxes carbone à l’exportation des produits algériens vers l’espace européen, c’est procéder à décarboner les produits concernés (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité, hydrogène) par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Cela passe par l’utilisation de l’énergie décarbonée dans les procédés de leurs productions. La transformation de gaz en hydrogène bleu et propre, d’une part, et le déploiement massif des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert, d’autre part, seraient nécessaires. Il convient de souligner que dans le cadre de «Pacte vert ou Green Deal», le dispositif de taxe carbone aux frontières, devant entrer en vigueur en 2026 ou 2027, a été adopté par l’Union européenne pour soumettre les importations dans ces produits, dans un premier temps, selon ses standards en matière d’émissions de gaz à effet de serre. 

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