Nombre d’entre eux ont réussi à ouvrir des commerces : En Colombie, payer des jeunes «pour ne pas tuer»

03/10/2024 mis à jour: 17:23
AFP
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Pour bénéficier de l'aide, les jeunes doivent être dans une extrême pauvreté et ne pas être sous le coup d'un mandat d'arrêt

Selon les lois criminelles du quartier où il a grandi, Franklin Mina aurait dû faire partie d'un gang. Mais, à 27 ans, il tient un petit commerce grâce à une subvention du gouvernement colombien qui vise à aider financièrement les jeunes «pour ne pas tuer». 


Le jeune homme a grandi à Buenaventura, le plus grand port de Colombie, sur le Pacifique, théâtre d'affrontements sanglants entre deux gangs rivaux, Los Shottas et Los Espartanos. «Depuis que je suis enfant, je sais ce qu'est un pistolet, ce qu'est une balle», raconte-t-il à l'AFP. «C'est compliqué de vivre dans un quartier durement touché par la violence», ajoute cet habitant du quartier Alberto Lleras Camargo. «Il y a des séquelles», assure-t-il. 


Franklin Mina a évité de plonger dans le crime grâce à une subvention d'environ 250 dollars mensuels du gouvernement du président de gauche, Gustavo Petro. Elle est destinée aux jeunes de 14 à 28 ans susceptibles de rejoindre des groupes armés. 

Avec l'argent qu'il reçoit, il a pu, il y a quelques mois, lancer une petite affaire. Il suit en outre des cours de travailleur social. «Ce sont des milliers de jeunes que nous allons payer pour ne pas tuer, pour ne pas participer à la violence, pour étudier. Nous allons les aider», avait lancé M. Petro peu avant le lancement du programme en octobre dernier. 

 A ce jour, près de 3000 jeunes en bénéficient à Buenaventura, mais aussi à Bogota ou encore Medellin, où le gouvernement dialogue avec les organisations criminelles héritières du défunt baron de la drogue Pablo Escobar, en vue de leur désarmement. L'opposition affirme cependant que le programme, officiellement intitulé «Jeunesse en paix», finance en réalité des membres de groupes armés. Elle dénonce également la corruption dans la sélection des bénéficiaires. Pour bénéficier de l'aide, d'une durée maximum de 18 mois, les jeunes doivent être dans une extrême pauvreté, risquer d'être recrutés par un groupe criminel et ne pas être sous le coup d'un mandat d'arrêt. A Buenaventura, avec une majorité des 324 000 habitants d'ascendance africaine, la pauvreté atteint 40% des habitants et le chômage plus de 25%. Franklin Mina reconnaît que certains de ses amis et des membres de sa famille ont choisi d'intégrer des gangs financés par le trafic de drogue, l'extorsion et d'autres activités illégales. Mais lui assure préférer se consacrer à son affaire, une petite papeterie, qui lui permet aussi d'aider sa famille.

 La violence est «un problème structurel», mais cette subvention représente «le début d'un changement», se félicite-t-il. Cristina Martinez, 26 ans, originaire d'un autre quartier violent de Buenaventura, dit regretter que d'autres filles, comme elle, aient été recrutées de force par des gangs et contraintes de cacher leur identité. Elle se réjouit ainsi d'avoir pu obtenir l'aide, expliquant avoir travaillé brièvement comme serveuse, mais souffert du rejet et du manque d'emploi. «Avant, je devais me déplacer d'un endroit à un autre pour gagner deux, trois pesos», explique-t-elle. 

Comme d'autres bénéficiaires de la subvention, elle reçoit aussi des cours, notamment d'entrepreneuriat. Patricia Riascos, 21 ans, peut désormais se payer le bus pour se rendre à ses cours d'hôtellerie, de tourisme et de médecine alternative. «Nous ne sommes pas des bandits, nous risquons de le devenir pour ainsi dire, (...) mais nous voulons changer notre vie», dit-elle. Le premier gouvernement de gauche du pays tente de désamorcer six décennies de guerre avec des politiques alternatives à l'offensive militaire.

 Le président Petro se dit déterminé à s'attaquer aux causes de la violence et à négocier la paix avec les bandes criminelles et les groupes armés dans le pays. Dans le cadre du dialogue entamé avec Los Shottas et Los Espartanos, les deux gangs ont promis de cesser le racket sur certains marchés de la ville. 

 

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