Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a rencontré hier le président nigérian, Bola Tinubu, pour sceller un «partenariat stratégique» entre les deux géants démographiques de l’Asie et de l’Afrique qui souhaitent jouer un rôle plus important dans le monde, rapporte l’AFP.
Le Nigeria est la première étape d’une tournée qui mènera le dirigeant indien au sommet du G20 au Brésil, qui s’ouvre aujourd’hui, puis au Guyana. Cette visite a été présentée par New Delhi comme une rencontre entre des «partenaires naturels». «Puisse cette visite approfondir les relations bilatérales entre nos deux pays», a déclaré N. Modi sur les réseaux sociaux à son arrivée à Abuja. «Notre coopération est très forte et il y a de nombreuses et nouvelles possibilités de la faire progresser», a-t-il déclaré dans des propos préliminaires avant l’entretien. «Nous avons toujours travaillé ensemble pour relever des défis comme le terrorisme, le séparatisme, la piraterie et le trafic de drogue», a-t-il ajouté.
A son tour, le président nigérian a souhaité que cette visite permette de renforcer le «partenariat stratégique entre les deux pays». La communauté indienne au Nigeria compte quelque 60 000 personnes. La rencontre entre les deux dirigeants intervient alors que l’Inde et le Nigeria tentent d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, qui compte aujourd’hui cinq membres disposant d’un droit de veto : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne. Mais ces dernières années, des partisans d’un monde davantage «multipolaire» ont fait pression pour que des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine fassent leur entrée dans ce groupe restreint. Dans ses propos préliminaires, le dirigeant indien n’a pas fait directement référence à cette question, mais s’est adressé à son homologue nigérian : «Ensemble, nous continuerons à mettre l’accent sur les priorités du Sud global». «Et grâce à nos efforts, nous y parviendrons», a-t-il poursuivi.
En Afrique, le Nigeria et ses 220 millions d’habitants et l’Afrique du Sud, plus puissante économie du continent, postulent pour représenter le continent. De son côté, l’Inde est le pays le plus peuplé au monde avec 1,4 milliard d’habitants et dispose de l’arme nucléaire avec un statut de pays de «non-aligné» dans le passé qui pourrait jouer en sa faveur dans le continent africain. L’Inde est également membre du groupe des BRICS avec notamment le Brésil, la Russie, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Iran, l’Ethiopie et les Emirats arabes unis. Le Nigeria est un «pays partenaire», mais n’a pas obtenu le statut de membre à part entière, certains observateurs accusant Pretoria de retarder cette entrée.
Compétition entre grandes puissances
La visite du dirigeant indien doit aussi permettre de renforcer la coopération économique, avec la signature de plusieurs accords techniques. L’Inde est présente au Nigeria avant la visite de N. Modi, New Delhi a affirmé que plus de 200 entreprises indiennes ont investi 27 milliards de dollars dans l’industrie manufacturière au Nigeria. Ce pays de l’Afrique de l’Ouest est également une destination pour les fonds de développement indiens, avec 100 millions de dollars de prêts et de programmes de formation. L’Afrique est devenue, ces dernières années, le théâtre d’une compétition acharnée entre les Etats-Unis, les anciennes puissances coloniales européennes, la Russie, la Turquie et surtout la Chine. Et l’Inde espère se tailler une place importante sur un continent riche en ressources naturelles, notamment les terres rares.
En mai 2017, N. Modi a dévoilé, à l’occasion d’une réunion de la Banque africaine de développement (BAD) qui s’est tenue à Ahmedabad, en Inde, un projet de route commerciale : le «Corridor de la croissance Asie-Afrique», surnommé la «Route de la liberté», pour concurrencer le projet chinois «la Route de la soie». Il s’agit de créer une région indo-pacifique «libre et ouverte» et de relier ainsi l’Afrique au Pacifique, en passant par l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. Le projet est porté par le Japon et l’Inde. Il met l’accent sur le «développement durable», plutôt que sur le commerce, et s’appuie exclusivement sur les voies maritimes à «bas coût» avec une «faible empreinte carbone». En février 2023, l’Inde a accueilli quarante-huit pays africains au sommet Voice of Global South.
Dans le cadre d’une stratégie d’expansion de sa marine dans l’océan Indien, New Delhi a multiplié sa coopération militaire avec des pays d’Afrique orientale et a mis en place un poste d’écoute à Madagascar en 2007. En mars de la même année, sont menés des exercices militaires Afindex pendant dix jours entre l’Inde et 23 pays africains, parmi lesquels l’Éthiopie, l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigeria, le Rwanda et l’Afrique du Sud.