- Pouvez-vous revenir sur la découverte du premier crabe Callinectessapidus sur la côte jijelienne ?
Les premiers individus du Callinectessapidus ont été capturés en 2018 par des pêcheurs dans leurs filets dans les régions de Sidi Abdelaziz et Oued Z’hor dans la partie est de la wilaya de Jijel. Quant à notre association, nous avons découvert lors de nos plongées une importante invasion du côté de l’embouchure de l’oued Kissir. Ce crabe privilégie les eaux saumâtres et ses effectifs augmentent durant la saison estivale, période de multiplication. Depuis, nous avons lancé un protocole de suivi qui est en cours.
- Et pour le nouveau crabe Portunus segnis ?
C’est vers la fin de l’année 2021 que les premiers spécimens morts ont été découverts dans la région est de la wilaya. Il s’agissait dans un premier temps essentiellement des pinces mais aussi une carapace et un individu mort, qui avaient attiré l’attention de Fatma Cherifa Bouraoui lors d’une plongée. Le crabe Portunus segnis en dépit de sa ressemblance avec le Callinectessapidus, a une carapace tachetée et des pinces plus longues et plus fines.
- Comment s’est faite l’identification de ces deux espèces ?
Ce travail a été effectué par Melle Bouraoui qui est secrétaire générale de l’association et qui s’occupe du programme scientifique. C’est un ingénieur au niveau des forêts. Elle détient un master en écosystème aquatique et un niveau 3 en plongée sous-marine.
- Dans quelles zones la présence de ce crabe est inquiétante ? Avez-vous déjà identifié des dégâts sur la faune marine ?
Pour le moment, la population de ces crabes n’est pas très importante et aucun dégât notable n’est à signaler. Pour l’aire de distribution, ils ont été observés dans les régions est et ouest de la wilaya, et le travail de zonage est toujours en cours. D’ailleurs, les travaux de suivi et de traitement des données se font conjointement avec le bureau d’études environnementale «Ecotude». A ce propos, il y a lieu aussi de relever que le Parc national de Taza a initié en 2021 une formation sur les espèces invasives.
- Ailleurs, le crabe bleu se mange. Faut-il encourager sa pêche pour transformer ce danger en opportunité ?
Absolument, parce que la pêche est le seul moyen pour minimiser ses éventuels dégâts sur l’écosystème marin d’autant qu’il n’a pas de prédateurs et qu’il peut présenter un intérêt économique. En tout cas, depuis la fin 2021, à chaque fois, on fait des plongées pour suivre la présence de ces crabes.
- Pensez-vous que nos pêcheurs sont prêts à mener la lutte contre ce crabe dont la pêche peut être génératrice de revenus ?
Bien qu’actuellement ils utilisent d’autres moyens et techniques de pêche, il est possible de s’armer d’engins adéquats pour cette pêche avec notamment des nasses. Mais avant ça, il faut faire une étude pour estimer les stocks et organiser des formations aux pêcheurs pour renforcer leurs capacités, faire connaître les techniques et engins de pêche, et bien sûr la réglementer.