Mustapha Oumouna. Professeur d’immunologie à l’université de Médéa : «Notre mode alimentaire est en passe de s’occidentaliser»

11/09/2022 mis à jour: 01:34
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Mustapha Oumouna. Professeur d’immunologie à l’université de Médéa

La sécurité alimentaire, l’émergence de nouvelles pathologies et l’amenuisement de la résistance de l’organisme chez l’homme comme chez l’animal, entre autres questions que nous avons posées au professeur Mustapha Oumouna, professeur d’immunologie à l’université de Médéa, en marge du séminaire de l’association des vétérinaires des Bibans El Mokrani. «D’abord, il faut assurer l’alimentation pour tout le monde. 

Sauf qu’avec la démographie galopante, il fallait adopter les nouvelles techniques pour répondre aux besoins des populations : l’élevage intensif. Ce qui n’a pas été sans impact sur la santé de l’homme. À titre d’illustration, en 1960, il fallait 4 mois pour produire un poulet de 1,5 kg. De nos jours, la durée d’élevage est ramenée à 3 semaines. Là, le contraste est saisissant dans la production quantitative au détriment de la qualité. Ou encore, l’œuf consommé par nos ancêtres était plus riche en oméga 3, l’un des éléments fondamentaux dans l’élasticité des membranes et des cellules», explique-t-il. 

Et qu’en est-il de l’usage à tort et à travers des antibiotiques ? «Parallèlement à l’élevage, on recourt souvent à l’usage à profusion des médicaments à base d’antibiotiques. Certes, je ne dis pas que les antibiotiques ne sont pas bénéfiques, loin s’en faut. Il suffit de voir leur efficacité durant la 2e guerre mondiale, mais à condition qu’ils soient utilisés à bon escient. Car, si la viande traitée aux antibiotiques atterrit dans nos assiettes et nous la consommons, nous risquons de développer une anti-biorésistance que nous transmettrons à nos enfants et ainsi de suite. 

Et le jour où nous aurons besoin de ces antibiotiques, on ne pourra plus les utiliser puisqu’on est résistant», souligne-t-il. En poursuivant : «Pendant notre séjour à New Jersey, nous avons reçu un enfant d’origine hispanique qui présentait une incroyable résistance aux antibiotiques. Notre petite enquête avec la famille nous a mené à déduire que cette anti-biorésistance est liée à la consommation excessive de volaille». 
 

Dans son intervention au séminaire, notre interlocuteur a déjà alerté que «le 21ème siècle sera marqué, probablement par des maladies, dont des anciennes qui feront leur retour, telles que la grippe espagnole qui a fait des dizaines de millions de morts à travers le monde, sans oublier le retour des maladies émergentes, notamment le SRAS de 2003 et la covid de 2019». 

Le professeur a également évoqué que c’est le microbiote intestinal, la barrière physique contre les agents pathogènes, qui  prend le coup dur lors de l’usage excessif des antibiotiques, en altérant la mitochondrie et par conséquent l’ADN. «La microbiote intestinale est la plus exposée aux attaques des bactéries et des virus, ce qui se répercute sur les autres organes. Quand le virus ou la bactérie atteint la mitochondrie, il va détruire l’ADN pour provoquer la mutation. À ce stade, la cellule n’est plus capable d’accomplir ses fonctions». 
 

Par ailleurs, la coexistence entre l’homme et l’animal est plus que jamais recommandée par les experts. «La coexistence et l’harmonie devraient s’imposer entre l’homme et son entourage qui forme l’écosystème. L’homme actuel paie plus cher pour avoir une alimentation bio. Un paradoxe, puisque nos ancêtres, qu’on qualifiait de pauvres, s’alimentaient de nourriture à base d’orge, d’huile d’olive et de lentilles. Les femmes accouchent de plus en plus par césarienne, et non par défaut. 

Cela nous conduit à parler de l’allaitement maternel, abandonné pour une raison ou une autre, alors que l’OMS préconise que les six premiers mois de l’enfant soient strictement dédiés au lait maternel, sauf pour médication. Et les championnes du monde à ce sujet sont les femmes scandinaves. Aujourd’hui, nos enfants adoptent, malheureusement, des habitudes de malbouffe (des sodas, des fast-foods bourrés de cholestérol et comme cerise qui écrase le gâteau s’ajoute la sédentarité). 

Un mode alimentaire qui est en passe de s’occidentaliser, pour ainsi dire», conclut notre interlocuteur.                                                             

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