Tel un être vivant en perpétuelle mutation, le tissu urbain est soumis aux forces du temps et des dynamiques humaines. Ainsi, les villes émergent, prospèrent, déclinent et, parfois, se réinventent.
C’est le cas de Constantine, ville au passé prestigieux et chef-lieu de la wilaya éponyme, qui aujourd’hui, sous l’impulsion des opérations de relogement initiées par les autorités, subit une métamorphose démographique sans précédent. Autrefois foyer stratégique et dynamique d’échanges et de rencontres, le centre historique de Constantine s’étiole peu à peu, abandonné par une population qui migre vers des zones périphériques, comme la circonscription administrative de Ali Mendjeli, connue par «la nouvelle ville».
Cette délocalisation, amplifiée par les relogements successifs, a fait de Constantine une ville à deux visages : tandis que le centre-ville s’endort au chef-lieu, Ali Mendjeli émerge comme un nouveau centre économique et social, animé jusque tard dans la nuit. Ce phénomène de migration silencieuse, semblable à une onde de choc dans de nombreuses villes algériennes, bouleverse les équilibres urbains et redessine en profondeur le paysage social et identitaire de Constantine. Loin d’être anodin, cet exode transforme le cœur historique en un espace délaissé, marginalisé, là où Ali Mendjeli s’impose comme une métropole dynamique, attirant par ses infrastructures modernes et ses opportunités économiques.
Dans cette quête d’un logement fonctionnel et neuf, facilitée par les politiques publiques, les Constantinois ont progressivement délaissé les quartiers populaires de leur ville. Toutefois, derrière ce tableau d’apparente modernisation, se dessine une réalité complexe : Constantine, autrefois véritable carrefour des cultures, ressent aujourd’hui les effets d’un dépeuplement préoccupant.
Les quartiers qui foisonnaient de vie et de commerces voient peu à peu leurs vitrines se fermer, et une impression de désolation imprègne les rues désertées dès la fin de l’après-midi. Les chiffres soulignent cette mutation : de près d’un demi-million d’habitants il y a sept ans, Constantine abrite aujourd’hui environ un quart de million de résidents, un déclin documenté lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée populaire communale (APC).
Un tissu social affecté
Au sein même de la ville, la délégation de Sidi Mabrouk concentre la majorité de cette population réduite sur une superficie urbaine d’à peine 5 km2. En contraste, le secteur urbain de Sidi Rached, autrefois l’un des centres les plus peuplés et accueillant les principaux quartiers historiques, culturels et administratifs de Constantine, a perdu plus de 70% de ses résidents.
De la deuxième place en termes de population, ce quartier central est aujourd’hui relégué au neuvième rang, avec seulement 15 255 habitants répartis entre les quartiers anciens de la vieille ville, Bardo, Kitouni Abdelmalek, Coudiat Ati, le quartier de Belouizdad et autres. Les répercussions de ce changement démographique vont au-delà de la simple redistribution de la population.
Elles affectent profondément le tissu social et les dynamiques citoyennes. Les liens communautaires se délitent, les repères culturels s’effacent et le sentiment de déracinement gagne une part croissante de la population. Les jeunes générations, éduquées dans ces cités nouvelles, développent des aspirations et un mode de vie souvent éloignés des valeurs de la Constantine historique. Face à cette réalité, de nombreuses interrogations se posent.
Comment harmoniser la croissance urbaine et le développement économique avec la préservation d’un patrimoine culturel si riche et d’une identité forte ? Comment redonner vie aux centres-villes désertés et renforcer une mixité sociale dans ces nouvelles cités en plein essor ? Les autorités publiques devront faire preuve de vision et d’audace pour relever ces défis d’envergure, assurant ainsi un avenir harmonieux et durable aux villes en pleine transformation.