Mourad Goumiri. Docteur d’Etat en économie : «Pour bancariser l’argent de l’économie informelle, il faut une forte coordination entre les secteurs de l’Etat»

22/01/2023 mis à jour: 02:53
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Mourad Goumiri, docteur d’Etat en économie

En tant qu’expert en finances et en économie, que pensez-vous de cette décision du président de la République d’éradiquer le circuit de l’informel en sommant les détenteurs de sommes faramineuses de les intégrer dans le circuit bancaire ? 

Il s’agit d’une déclaration politique du président de la République, quant à sa mise en œuvre, attendons le détail des mesures à prendre pour sa concrétisation sur le terrain. Ces décisions à prendre sont interministérielles et concernent plusieurs départements, dont celui des Finances et de la Banque d’Algérie, ce qui signifie une forte coordination entre secteurs, et c’est le plus souvent le point faible de toute action gouvernementale depuis des années

Quels peuvent être les bénéfices de cette mesure pour l’économie nationale ?

Ils sont diverses et variés, il s’agit d’abord de «bancariser» la masse monétaire qui est hors circuit bancaire, c’est-à-dire des ressources financières qui sont thésaurisées donc stériles. Elles sont également nuisibles puisqu’elles alimentent le marché informel et toutes les transactions illégales (non-facturation, fraudes et évasions fiscales, financement usuraire, spéculation, marché informel, pression sur le dinar...). Les moyens pour réintroduire ces ressources sont d’ordre monétaire (taux d’intérêt créditeurs, convertibilité partielle du dinar, droit de change...), fiscal et domanial (diminution des prélèvements, création d’un marché foncier). 

A-t-on une idée ou une évaluation plus ou moins proche de la réalité de la masse monétaire dans le circuit informel ?

La masse monétaire (M1, M2 et M3) est strictement surveillée par la Banque d’Algérie et les chiffres sont publics. Mais une fois émise, la masse monétaire va se «placer» au gré de la rentabilité que ceux qui la possèdent considèrent de leurs intérêts, à la limite de la réglementation en vigueur. Une simple soustraction de la masse monétaire émise et de celle bancarisée peut nous indiquer le volume des ressources hors banque, mais ceci est trop simple, voire simpliste. Il faut développer des modèles économétriques sophistiqués pour mesurer au plus près cette masse monétaire qui, par ailleurs, est très volatile et varie au quotidien, en fonction des opportunités nombreuses offertes par le marché parallèle... C’est le travail de la BA ! La fausse solution est celle qui consiste à changer de monnaie (nous l’avons déjà tenté lors du retrait des coupures de 500 DA, il y a plusieurs années déjà, et cette opération fut un désastre complet). Par contre, l’opération d’émission d’effets publics à terme contre un droit de change en devises fut un succès total et des milliards de dinars furent bancarisés en un temps record 

Comment cette mesure peut-elle être couronnée de succès et ne pas échouer comme les précédentes tentatives ?

Il faut, en premier lieu, définir une stratégie claire et déterminée des objectifs à atteindre pour cette opération. Il faut donc répondre à des questions préalables, comme : pourquoi les Algériens ont une préférence pour la liquidité ? Quelles sont leurs motivations et pourquoi prennent-ils le risque du marché informel ? Les réponses à ces questions nous indiquent les mesures à prendre pour diminuer, voire éradiquer le problème ! Où en est la monétique ? Pourquoi le droit de change annuel est de 98 euros par Algérien lors d’un séjour à l’étranger ? Quid des niveaux des taux d’intérêt créditeurs, débiteurs et du marché interbancaire, du marché financier et de la Bourse ? Comment gérer la dette intérieure du Trésor public, vis-à-vis de la BA ? Quelle politique d’émission d’effets publics pour éponger les excédents monétaires et financiers ? Autant de questions restées sans réponse pour l’instant ! 

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