Montluc : la trace algérienne d’un Fort de triste mémoire

24/05/2022 mis à jour: 07:22
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Alors que l’ouverture du Mémorial de Montluc, situé à Lyon, aux périodes de l’épuration et de la guerre d’Algérie, a créé la polémique, l’historien Marc André a réagi dans une tribune publiée par Le Monde. 

Il est un spécialiste qui a beaucoup travaillé sur l’histoire de ce fort d’emprisonnement de triste mémoire pour les Algériens qui y furent incarcérés durant la Guerre d’Algérie. Il rappelle que le 27 janvier 2022, la ministre chargée de la mémoire et des anciens combattants avait annoncé un plan de réhabilitation de cette ancienne prison transformée, en 2010, en haut lieu de la mémoire nationale avec toutes les strates mémorielles, dont celle de la guerre d’Algérie.
 

Rappelant que la polémique contre cette insertion proposée par la ministre, le chercheur explique qu’«en refusant l’entrée de la période algérienne (car là est l’obstacle) dans le Mémorial,» les acteurs de la mémoire actuelle affirment, dans leurs déclarations, tenir une promesse faite «à leurs camarades morts dans cette prison». Il rappelle aussi que des exemples de solidarité nouée autour du site après 1945 sont observés dans les archives. Ainsi, quand un opposant à la guerre d’Algérie passe un an entre ses murs à côté d’un ex-milicien et de criminels de guerre, Virgile Barel, député communiste des Alpes-Maritimes, lui écrit pour rappeler la justesse de son combat… 
 

 «LES OMBRES DU PASSé COHABITENT» 
 

Dans un autre cas relevé, «enfermé pour avoir rendu public des directives de l’armée en Algérie, un appelé reçoit une lettre de soutien d’un «ancien de Montluc».
Marc André ajoute : «Lorsque des rafles conduisent des milliers d’Algériens au fort Montluc, d’anciens résistants communistes parlent d’une ‘‘atmosphère de pogrom racial’’ et d’une répression ‘‘comme sous la Gestapo’’. Dès que des cas de torture sortent de l’antichambre de la prison qu’était le commissariat central de Vauban, nombreux sont ceux qui s’opposent à cette pratique d’un autre temps.» L’historien cite aussi Charlotte Delbo, revenue du camp nazi d’Auschwitz : «Combien sont montés à l’échafaud, dans la cour de la Santé, dans la cour de Montluc, combien de Français durant les années 1940, combien d’Algériens depuis 1954 ?»
 

Le chercheur en conclut que «Montluc est avant tout un cimetière où les ombres du passé cohabitent». Pour lui, «l’histoire est un précieux remède aux concurrences de mémoires».
Marc André est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Rouen-Normandie. Il publiera en septembre Montluc d’une guerre à l’autre. Expériences carcérales et transmissions mémorielles (ENS éditions).
 

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