Montée de l’extrême droite en France : Vers une nouvelle épreuve de force entre Alger et Paris ?

03/07/2024 mis à jour: 04:26
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Le président français, Emmanuel Macron, réussira-t-il à empêcher le RN d'empoisonner les relations algéro-françaises ? - Photo : D. R.

Les Algériens de France, quel que soit leur statut, se sentent directement concernés par le second tour à risque du dimanche 7 juillet. D’abord parce que l’anti-algérianisme du Front national devenu Rassemblement national est une marque de fabrique. Ensuite parce que le programme d’exclusion vis-à vis des étrangers les concerne au plus haut point.

Il a suffi que des drapeaux algériens et palestiniens soient brandis ou hissés dimanche soir place de la République à Paris pour entrevoir les enjeux de ce scrutin pour les immigrés en France, de quelque origine qu’ils soient et particulièrement les Algériens. La mise en avant de ces oriflammes est comme un avertissement lancé au Rassemblement national qui voue une haine envers les étrangers.

Une façon de dire, nous sommes là ! On a d’ailleurs entendu sur la célèbre place parisienne, qui glorifie les valeurs de la République, ce cri du cœur : «Qui sème la ''hograh'' récolte l’intifada !» Evidemment, l’extrême droite a surtout retenu ce terme de «intifada», y allant à nouveau de son fameux couplet hypocrite sur l’antisémitisme des manifestants, sans comprendre le désarroi d’une partie, militante certes, de la population qui dit avec ses mots la crainte d’une victoire d’un parti raciste et xénophobe dimanche prochain. Et s’apprêterait à entrer en résistance !

Une candidate «OAS» dans les Pyrénées-Atlantiques

Comment les Algériens notamment, de l’une des communautés les plus importantes en France, pourraient être insensibles à ce danger du RN. Le quotidien L’Humanité décrit le programme funeste du RN : «Empêcher les étrangers d’accéder aux emplois, aux logements, aux prestations sociales est la clé de voûte de la politique du RN qui cherche à discriminer les immigrés pour les pousser à quitter la France. Un projet qui semble inapplicable en droit actuel, mais rappelle ce qu’est l’extrême droite.»

Même les rappeurs s’y sont mis. Les artistes très connus dans cette sphère musicale, et dont beaucoup sont d’origine algérienne, Zola, Uzi, Soso Maness, Fianso, RK, Alkpote, Kerchak, Seth Gueko, Akhenaton, Mac Tyer et d’autres ont créé un morceau anti-RN pour «interpeller la jeunesse». Ils ont concocté un clip intitulé No pasaran, en rappel des républicains espagnols contre les nationalistes de Franco en 1936. On y entend le Marseillais Akhenaton scander : «Rien n’a changé/Je préfère la main tendue au bras tendu.»

Parmi les candidats RN, beaucoup ont exprimé des propos racistes ou antisémites et il en est une, Monique Becker, qui est une admiratrice de l’organisation terroriste OAS qui sema la terreur dans les dernières années de la lutte algérienne de libération, en Algérie mais aussi en France. Déjà lors du précédent scrutin de 2022, elle avait prôné la victoire du RN comme «un électrochoc lié à la peur d’avoir en France les mêmes problèmes qu’en Algérie après la décolonisation», écrit le site Streetpress.

Elle a aussi relayé ces propos puisés sur une web-tv québécoise techno-raciste : «Vous avez lutté contre les Français pour avoir votre pays. Vous avez fait la guerre d’indépendance, mais retournez y en Algérie (...).» Cette vindicte raciste n’a pas empêché la candidate d’être en tête dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle qui soutient des organisations antimusulmanes qui fustigent le halal ou les mosquées.

N’a-t-on pas aussi entendu sur la radio Europe 1 un ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, passé de l’extrême gauche à l’extrême droite, faire revivre la Guerre d’Algérie en comparant les soutiens au Hamas à ceux qui ont aidé le FLN à l’époque.

Inconnue politique pour les relations algéro-françaises

Alors quid des relations franco-algériennes après le vote historique des Français ? A Alger, aucune réaction officielle n’est encore intervenue. Ce qui est tout à fait normal, puisque c’est dimanche que la sanction électorale du peuple français sera connue. Ne pourrait-on pas cependant anticiper quelques interrogations sur les incidences d’un gouvernement dirigé par le Rassemblement national sur cette relation déjà difficile.

Si jusqu’à présent les dossiers aboutissent difficilement avec les administrations de droite ou de gauche en place depuis 1962, qu’en sera-t-il avec ce RN créé par le tortionnaire Jean-Marie Le Pen sur la détestation de l’Algérie ? Les questions brûlantes entre les deux pays sont toujours sur la table et on aurait du mal à en faire ici un inventaire exhaustif : révision des Accords de 1968 ; écriture commune de l’histoire ; statut des illégaux en France et de leur renvoi vers l’Algérie (OQTF) ; visas.

Sachant que cette fébrilité dont les Algériens paieraient les conséquences aura pour limite imparable l’importance des accords économiques et commerciaux de la France avec son ancienne colonie, dont la France ne peut se passer aisément.-Sur une autre face, Alger pourrait aussi ne pas vraiment apprécier les projets franco-français du RN qui auraient un impact sur les Algériens de son émigration : préférence nationale, discours anti-étrangers, fin du droit du sol, remise en cause de la binationalité, etc. Autant de thèmes explosifs.

Le voyage du président Abdelmadjid Tebboune en automne prochain en France, s’il est candidat et réélu, sera-t-il remis en cause pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter qu’Emmanuel Macron sera un président affaibli par les législatives ? Et qu’adviendra-t-il des missions de coopération et des réunions du comité intergouvernemental de haut niveau ?

L’ancien ambassadeur par deux fois en Algérie Xavier Driencourt – et dont la mission depuis ces dernières années semble être de discréditer Alger – résume une situation compliquée : «C’est le saut dans le vide (…) des interlocuteurs inconnus, jeunes, n’ayant jamais exercé le pouvoir, ignorants de l’Algérie (…) réputés proches des pieds-noirs et n’ayant jamais fait le ‘‘voyage à Alger’’, préalable à toutes les élections françaises.»

La politique «illibérale» du RN

Un appel de 200 philosophes publié dans Libération considère que «le RN demeure un parti dont l’axe idéologique est une xénophobie d’Etat qui aurait des effets aussi bien sur les binationaux, par exemple franco-israéliens ou franco-marocains, que sur l’ensemble des enfants nés en France de parents étrangers et à qui on ferme la possibilité de devenir Français à leur majorité – alors même qu’ils n’auraient connu que ce pays».

Dans un entretien au journal Le Monde, l’ancien défenseur des droits Jacques Toubon exprime à ce sujet ses craintes : «Oui, je crains, et je n’invente rien car on le voit ailleurs, la mise en œuvre d’une politique ‘‘illibérale’’ qui rapprocherait la France de pays comme la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Alors que nous avons toujours été, dans l’Union européenne, un représentant de l’Etat de droit, appuyé par l’Allemagne.»

Malgré la neutralité imposée par la Charte des Jeux olympiques, qui débutent dans quelques jours à Paris, le président du comité d’organisation Tony Estanguet a pu en conférence de presse placer un message de fraternité : «Il faut ouvrir grands les Jeux, montrer ce que notre pays a de mieux à offrir au monde.

Notre volonté, c’est de fédérer les Français et d’offrir un espace d’ondes positives, de fierté et de moments fédérateurs.» Ou encore les JO sont «un espace de célébration, le symbole ultime du partage, de l’universalité et de l’ouverture». Comme l’écrit Libération, c’est «l’exact inverse du projet politique du Rassemblement national».
 

 

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