Le système éducatif est engagé dans un nouveau chantier de réformes, alors qu’il sort d’une année scolaire jonchée d’échecs et sans le moindre bilan critique. Une année de trop pour une école engagée dans un long processus de réformes qui tourne le dos à l’intérêt de l’enfant et celui de la nation.
L’adoption de la langue anglaise à partir du cycle primaire, ordonnée par le président de la République lors de la dernière réunion du Conseil des ministres, est appréciée de manière mitigée, comme de coutume, s’agissant d’un enjeu touchant l’école.
Mais la polémique ne concerne désormais que des cercles restreints avec de vagues résonances sur les réseaux sociaux et des tentatives de débat plutôt sulfureuses sur des chaînes de télévision. L’opinion publique, au sens large, accueille, quant à elle, l’annonce avec une espèce d’indifférence qui traduit le fossé abyssal qui sépare les Algériens de l’élite qui gouverne l’école, et le profond désespoir des parents de confier leur progéniture à une institution médiocre, voire dangereuse.
La problématique de l’enseignement de l’anglais est une question légitime et potentiellement bénéfique, mais parasitée par un courant conservateur qui domine totalement l’institution éducative et réduit le sujet à un enjeu idéologique. Cette recommandation, issue de la réforme de 2002, a été remisée au placard, et jamais les conditions objectives n’ont été réunies pour sa mise en pratique.
Aujourd’hui aussi, son introduction suscite des réserves, y compris parmi les syndicats plutôt favorables : absence de délai, alourdissement des programmes scolaires et du cartable, un encadrement enseignant qu’il faut constituer de zéro, et surtout une planification qui doit prendre en considération la suite de la formation, à l’université par exemple, pour des filières où le français est dominant.
A-t-on prévu tous ces obstacles ? Certes, le président Abdelmadjid Tebboune a donné des instructions pour la révision de quelques points problématiques, dans l’esprit de la réforme. Mais de quelle réforme parle-t-on, si ce n’est celle de Bouteflika ? Et de quel instrument de la réforme parle-t-on, si ce n’est le mammouth qu’est devenu l’administration de l’éducation et le corps enseignant ?
Le duo administration-syndicats d’enseignants continue à définir à lui seul les politiques éducatives à l’exclusion de l’élève et des parents d’élèves. Un laboratoire qui prend l’enfant pour un cobaye et n’en finit pas avec des expériences infructueuses, voire désastreuses. Sait-on que le département de Belabed n’a pas pu garantir cette année le droit inaliénable de l’élève à recevoir les notes des examens trimestriels, prises en otage par les syndicats ?
On ne peut que ressentir le doute sur la capacité de cet appareil lourd et complexe de faire partie de la solution. Dans ces conditions, et à défaut de refondation, cette nouvelle mesure ne pourra que prolonger la déception et désespérer davantage les Algériens de cette école.