Mohamed Sadek Messikh. Psychologue, écrivain et collectionneur d’œuvres d’art : «Une peinture est une page d’histoire»

28/07/2024 mis à jour: 16:16
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Le collectionneur d’œuvres d’art, Mohamed Sadek Messikh, propose jusqu’à aujourd’hui, à la galerie Racim à Alger, une exposition personnelle d’œuvres d’art intitulée «Trésor de la peinture orientaliste». Dans cet entretien, l’ardent chercheur d’art se dévoile à vous lecteurs, sur cette exceptionnelle passion grandissante pour l’art qu’il a aiguisée au gré des années.

 

Propos recueillis Par Nacima Chabani

 

 

Comment êtes-vous devenu collectionneur d’art ? 

Un collectionneur est une personne qui, pour son plaisir personnel ou dans un but d’investissement, recherche et achète des objets. En réalité, on devient collectionneur par hasard ou par filiation, on débute souvent par un achat coup de cœur, un objet trouvé chez un brocanteur ou dans une galerie qui vous parle et vous amène à vouloir aller plus loin et à en savoir un peu plus sur cet objet. Dans mon cas, ma passion pour les objets a débuté il y a une quarantaine d’années par l’achat d’une photographie ancienne, il s’agissait d’une vue de La Casbah d’Alger prise vers 1870. Je pense que ce fut le déclencheur de ma vie de collectionneur, je commençais alors à rechercher des photos anciennes et des cartes postales sur l’Algérie. Mes recherches commencèrent à s’orienter vers tout ce qui concernait l’Algérie, photographies anciennes, cartes postales, livres ainsi que toutes sortes de documents historiques. 

Quelques années après, mon attention se tourne vers la peinture orientaliste, j’ai commencé alors à me focaliser sur ce domaine qui devint très vite une passion incontrôlable. Je me mis à fréquenter les galeries de peinture, les antiquaires, les brocanteurs ainsi que les ventes aux enchères où étaient proposés quotidiennement des centaines d’œuvres d’art de tout genre. Au début, mes achats étaient plutôt timides au vu de mes faibles moyens et mon manque de connaissances et d’expérience dans ce domaine. 

Les visites des musées, telles que le Louvre, le Musée des beaux-arts d’Alger et tant d’autres m’aidèrent à me familiariser avec les différents mouvements artistiques existants, mais mon choix restait focalisé sur le mouvement orientaliste. Ce mouvement né en Europe au début du XIXe siècle ouvrait la voie à des milliers de peintres français et européens qui se ruent vers l’Afrique du Nord et particulièrement l’Algérie où ils sont subjugués par la beauté des paysages, par un nouvel exotisme. Certains y firent de brefs séjours et d’autres s’y installent à demeure. Armé de toutes ces nouvelles connaissances et mieux nanti financièrement, je me lançais alors à la recherche et l’acquisition de nouvelles œuvres. De retour en Algérie à la fin des années 1990, je découvris avec bonheur la nouvelle peinture contemporaine algérienne avec les Issiakhem, Khadda, Guermaz, Ziani, Bouzid, etc. J’enrichis ma collection avec l’acquisition de tableaux de ces peintres quand l’occasion se présentait. Il est bien entendu que pendant toutes ces années, j’étais souvent amené à me séparer de certaines œuvres pour pouvoir en acheter d’autres. 

Quelles sont vos motivations à l’acquisition d’une œuvre d’art donnée ?

Une fois que le choix du domaine de ma collection est bien ancré, je me suis concentré sur la recherche et l’acquisition de tableaux de peintres orientalistes ayant travaillé en Algérie et plus tard sur la peinture contemporaine algérienne post-indépendance. Le but premier était alors d’enrichir la collection avec des nouveautés et de faire monter le niveau en se rapprochant de peintres de plus haut niveau artistique et de notoriété, pour cela il fallait trier et se séparer de certaines œuvres pour en acquérir de nouvelles et arriver à une homogénéité totale. 

Sinon aviez-vous au départ des connaissances en histoire de l’art ?

Au départ, je n’avais pas de connaissances particulières sur l’histoire de l’art à part les connaissances de culture générale, mon père, qui était une homme cultivé, avait quelques affinités avec l’art, mais n’était pas collectionneur. Il m’a quelque peu influencé et sans le vouloir, il m’a peut-être inculqué la passion de l’art. Mes connaissances ont été acquises au fil des ans par mes recherches, par mes relations avec les marchands de tableaux, par mes lectures, mes visites dans les musées, mes fréquentations assidues des salles de vente aux enchères. 

Quel est le médium que vous collectionnez le plus et pourquoi ?

Une fois qu’on est immergé dans le monde des collectionneurs, on se trouve attiré par un domaine plus qu’un autre. Pour ma part, c’est l’image qui m’attirait le plus, c’est-à-dire la photo ancienne, la carte postale et, un peu plus tard, la peinture. Au final, je me concentre sur la recherche et l’acquisition quand je le pouvais, de peintures orientalistes représentant l’Algérie en particulier. Au fil du temps, mes connaissances s’affinaient et me poussaient naturellement à rechercher des objets de meilleures qualités.

 

Auprès de qui, de quel événement ou encore de quel lieu achetez-vous des œuvres d’art généralement ?


A mes débuts, alors que j’étais en France, j’ai acheté mes premiers tableaux chez des antiquaires ou des brocanteurs, ensuite j’ai commencé à fréquenter des salons d’antiquaires qui, pour quelques jours de vente, réunissaient des centaines de marchands venus parfois de toute l’Europe. Mais ma plus importante source d’achat reste la vente aux enchères ou quotidiennement des centaines d’œuvres d’art sont mises en vente à travers toute la France et particulièrement la célèbre salle de ventes Drouot à Paris. Il m’est arrivé aussi de faire des achats chez des collectionneurs privés. En Algérie, l’offre est plus limitée mais elle existe, il y a quelques antiquaires ou brocanteurs chez lesquelles il m’est arrivé de trouver des tableaux de grande qualité. A cela s’ajoutent des particuliers qui se séparent de temps en temps d’œuvres héritées de leurs parents ainsi que des brocanteurs ambulants qui proposent des objets qu’on leur confie pour la vente.  Il faut dire que dans les années 1970/80, il y avait une profusion d’objets d’art en Algérie, du fait que les gens commençaient à vendre ce qu’ils ont trouvé dans les habitations des Français qui ont quitté le pays suite à l’Indépendance. Il y avait alors peu de connaisseurs et ceux qui l’étaient ont en bien profité.  Donc les brocanteurs ou antiquaires proposaient beaucoup de choses.

Concrètement, que vous procure l’art ?

Notre relation avec l’art est différente d’une personne à l’autre, ce sont des émotions intimes qui sont liées à la beauté de l’objet. Dans notre cas, une peinture est une page d’histoire, voir un costume ancien porté jadis par nos arrières-grands-parents nous procure une certaine fierté, voir un bâtiment ancien qui a aujourd’hui disparu vous permet d’imaginer une vision du passé, admiré de fiers cavaliers chassant la panthère et le lion vous donne une idée de la richesse de notre pays... Quant à la peinture moderne tout est question de sensibilité et d’imagination, un tableau d’Abdelkader Guermaz laisse planer une douce poésie, un tableau de  M’hamed Issiakhem vous donne la chair de poule, tandis qu’une gouache de Baya vous fait peut-être entrer dans un monde féerique. Toute perception est unique et chacun la ressent selon sa sensibilité.  


 

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