- Le tourisme interne a retrouvé des couleurs cette année avec des régions qui ont connu une forte affluence. Partagez-vous ces observations ?
Oui certaines régions ont connu des arrivées en masse d’estivants, les Algériens ont préféré passer leurs vacances au pays, mais ce sont des estivants du week-end ou ceux qui vont à la plage pour la journée. La capacité en lits n’a pas évoluée, elle est statique, donc c’est un peu la location chez l’habitant qui a connu une nette augmentation avec des prix qui varient entre 6000 DA et 10 000 DA maximum.
Pour la Tunisie, des erreurs organisationnelles ont pesé dans la balance : PCR, ouverture tardive des frontières, renchérissement des prix et une mauvaise préparation des voyagistes pour finaliser des contrats d’allotement. Il y a aussi une érosion du pouvoir d’achat qui a impacté des choix avec une crise et un renchérissement des prix à la consommation. Dans l’ensemble, les Algériens ont passé leurs vacances chez eux.
- Les hôtels et les agences ont-ils innové dans les offres ou se sont-ils contentés des offres classiques ?
Les relations entre hôteliers et agences restent en dessous des minima. En haute saison, les hôteliers préfèrent commercialiser leurs produits seuls. Certains maintiennent leurs relations contractuelles avec des agences et plateformes.
L’innovation est absente du fait que nos installations n’offrent pas de grandes opportunités en matière d’animation. Le client doit s’organiser en conséquence pour meubler son temps en dehors des piscines et plages. Nous sommes loin des techniques de management qui existent dans d’autres pays entre hôteliers et agences. La clientèle nationale à l’étranger passe souvent par des plateformes étrangères qui commencent à investir le marché algérien.
Les hôteliers ne pensent aux agences qu’en basse saison (septembre/mai) pour essayer de maximiser leurs ventes. Le reste de l’année, ils préfèrent agir seuls, puisque la demande est réelle. Il faudra repenser les relations agences-hôtels sur de bonnes bases avec une véritable stratégie, par segment et par produit. Il faut peut-être mutualiser les syndicats et associations, il faut qu’ils apprennent à travailler ensemble comme le font les autres acteurs dans d’autres pays. En Algérie, l’esprit d’équipe n’existe pas, contrairement à d’autres pays.
- Quels sont les critères de choix d’une destination ?
Les familles dans leurs choix pensent aux enfants, donc ils choisissent les installations les plus adéquates ayant plus d’opportunités à offrir en matière d’animations. Cette offre inadaptée aux clientèles est un nœud gordien de toute l’offre balnéaire. Beaucoup d’efforts restent à faire en matière de qualité de plage, restauration, animation, hygiène et la qualité des services est en dessous des normes.
- Cette dynamique va-t-elle se poursuivre ou est-ce un effet de mode ?
Généralement, les tendances et motivations bougent et changent, surtout que la clientèle d’aujourd’hui est toujours à la recherche de nouvelles sensations et de nouveaux besoins Les clientèles s’organisent par rapport aux opportunités mais aussi le pouvoir d’achat très déterminant du budget vacances. En Algérie, le balnéaire restera sous pression du fait des carences en lits et il faudra toujours trouver des palliatifs pour équilibrer offre et demande.
- Le Salon international du tourisme et des voyages (Sitev) est de retour (29 septembre au 2 octobre à Alger). La destination Algérie va-t-elle émerger ou bien va-t-elle jouer les seconds rôles dans ce Salon ?
Le Sitev a un vocation de Salon généraliste, donc il s’adressera aux nationaux, sur l’international, les opérateurs ont intérêt à se positionner sur les marchés de proximité, Europe notamment. Les pouvoirs publics voudront confirmer cette tendance du tourisme local.
Il faut plus qu’un Salon pour relancer la destination, il faudra un pack d’actions promotionnelles finement choisies pour mettre la destination debout. Je voudrais dire aussi sans une politique et des stratégies déclinées en territoires touristiques, en filières et produits, nous continuerons à faire du surplace. Il faut de la visibilité dans tout pour les acteurs, les investisseurs, les voyagistes et les marchés, professionnaliser le secteur c’est la seule alternative de redonner au tourisme sa dynamique. Il nous faut une politique et des stratégies sur 20 ou 30 ans.
Regardez la vision 2030 Arabie Saoudite, elle est claire, nette avec des objectifs (transport aérien, hôtellerie, loisirs, visa, promotion, mobilisation financière, organisation d’événements en sport, création d’un hub concurrent de Dubai et Doha et même Le Caire).
Les Turcs ont mis en place leur stratégie il y a 30 ans, aujourd’hui, ils sont dans les 15 premières destinations mondiales avec l’évolution de la compagnie aérienne Turkish Airlines. Aujourd’hui, ce pays a de grands ensembles hôteliers à Antalya et même dans tout l’arrière-pays et les îles. Kamel Benelkadi