Mohamed Boudiaf : L’âme indomptable

31/10/2024 mis à jour: 04:24
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Photo : D. R.

Profondément attaché aux valeurs de la liberté et de l’égalité, Mohamed Boudiaf s’impose comme une figure emblématique de la lutte algérienne. Surnommé Tayeb El Watani, cet homme, à la voix posée, marquée par une tranquille détermination, voyait dans le progrès scientifique et technologique un impératif pour son pays.

Le lundi 29 juin 1992, lors de sa deuxième sortie officielle depuis son retour en Algérie, après vingt-huit ans d’exil, Boudiaf, investi de l’espoir d’une nation, s’effondre tragiquement à Annaba, frappé par des balles meurtrières, en pleine conférence. Sa mort brutale sur la terre qui l’a vu naître symbolise l’achèvement d’un parcours semé d’épreuves et de combats pour l’indépendance de son pays.

Né le 23 juin 1919 à M’sila, dans une Algérie alors sous domination coloniale, Mohamed Boudiaf se distingue dès son jeune âge par sa ténacité et sa soif de justice. Issu de la tribu des Ouled Madhi, il grandit entre les enseignements de l’école coranique et ceux de l’école française, mais doit interrompre son parcours académique à cause de la tuberculose.

Très tôt plongé dans le monde du travail, il commence sa carrière à Constantine, puis dans l’administration, avant de voir son destin basculer pendant la Seconde Guerre mondiale. Servant comme adjudant dans l’armée française, il participe aux combats en Italie, notamment à la bataille de Monte Cassino, où il prend conscience des profondes injustices et discriminations subies par les Algériens. Animé par un patriotisme inébranlable, il rejoint en 1945 le Parti du peuple algérien (PPA), dirigé par Messali Hadj, et se dédie entièrement à la cause nationaliste.

En 1947, il est responsable du Mouvement pour le Triomphe des libertés démocratiques (MTLD) dans la région de Sétif. Il participe activement à la fondation de l’Organisation spéciale (OS), une structure clandestine dédiée à la lutte armée. Ce réseau, destiné à organiser la résistance dans le Constantinois, sera démantelé par les autorités coloniales en 1950. Boudiaf, jugé par contumace, échappe de justesse aux arrestations et s'exile en France sous divers pseudonymes, où il devient un acteur-clé au sein de la diaspora algérienne, en renforçant son engagement politique en rejoignant la Fédération de France du MTLD.

Un engagement indéfectible

A partir de 1952, il coordonne les préparatifs de la lutte armée au Maghreb, en lien avec l’Armée de libération dirigée par Abdelkrim El Khattabi depuis le Caire. A l'aube de la guerre d’indépendance, Boudiaf, indéfectible dans ses idéaux, fonde en 1954, aux côtés de figures historiques, telles que Krim Belkacem et Mostefa Ben Boulaïd, le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA), jetant ainsi les bases de l’insurrection du 1er Novembre 1954. 

Membre influent du «Groupe des 22», il figure parmi les fondateurs du Front de libération nationale (FLN), dont il détient la première carte d’adhérent, marquant ainsi son engagement indéfectible dans la lutte pour l’indépendance. Arrêté le 22 octobre 1956 suite au détournement de l’avion qui devait le mener en Tunisie en compagnie de Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf, Boudiaf, convaincu pour une Algérie indépendante, continue de diriger la fédération du FLN en France depuis sa prison.

Il est nommé en 1958 ministre d’Etat du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), à sa création, puis vice-président en 1961.  Libéré en 1962 après les Accords d’Evian, il est nommé ministre d’Etat au sein du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), mais ses divergences avec Ahmed Ben Bella l’amènent à créer le Parti de la révolution socialiste (PRS), position qui l’isole progressivement du pouvoir post-indépendance. Emprisonné en 1963, puis contraint à l’exil en Europe, où il continue de porter la voix de l’opposition.

Après des décennies d’exil et d’hostilité avec le régime en place, les troubles de 1992 offrent à Boudiaf l’opportunité de revenir en Algérie, où il est appelé pour présider le Haut-Comité d’Etat. Incarnant une figure de renouveau et d’intégrité, il se consacre à un projet de modernisation de l’Algérie, empreint d’idées démocratiques et patriotiques. Mais le 29 juin 1992, lors d’une conférence à Annaba, il est assassiné par un membre de sa garde rapprochée, marquant ainsi tragiquement la fin de son parcours au service de son pays.

Son décès brutal clôt l’histoire d’un homme profondément attaché à l’Algérie, dont l’intégrité et le dévouement continuent d’inspirer. Le parcours de Mohammed Boudiaf est celui d’un homme profondément attaché aux valeurs de liberté et d’égalité. Son engagement sans faille pour la cause nationale en fait une figure historique majeure, dont l’héritage continue d’inspirer les générations futures.

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