Mohamed Bekkat Berkani : «Il ne faut pas céder à l’alarmisme»

20/01/2022 mis à jour: 15:19
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Mohamed Bekkat Berkani : «Il ne faut pas céder à l’alarmisme» / Photo : D. R.

- Les cas de contamination à la Covid-19 s’envolent en Algérie. La situation est-elle alarmante, d’après vous ?

La situation est inquiétante mais il ne faut pas faire preuve d’alarmisme. Les cas de contamination sont – et j’en parle en connaissance de cause – très certainement bien supérieurs que ceux affichés officiellement. Je vois quotidiennement des malades qui ne sont portés sur aucun registre.

Il est aujourd’hui établi que nous recevons la quatrième vague en pleine figure, qui est probablement due au variant Omicron qui supplante le Delta. La situation est d’autant plus inquiétante qu’elle risque de causer des difficultés économiques et sociales liées à un taux important d’absentéisme.

L’élément intéressant réside dans le fait que l’Omicron a une symptologie qui n’est pas virulente en matière de gravité, surtout pour les personnes vaccinées. Chez ces dernières, la maladie se résume à une rhinopharyngite assez sérieuse, sans plus. Mais étant donné que ce virus se distingue par la rapidité de sa contagion, il s’étend à la vitesse de l’éclair.

- L’Omicron touche également les plus jeunes. Plusieurs cas d’enfants ont été enregistrés. Dans quelle mesure cela peut être inquiétant ?

Les écoles sont des lieux fermés dans lesquels personne – pas même les enseignants – n’est vacciné. On s’est aperçus depuis quelque temps que les enfants sont touchés par le virus et ses variants Delta et Omicron au même titre que les adultes, à telle enseigne que des pays ont décidé de les vacciner.

En Algérie, le comité scientifique de suivi de l’épidémue et les autorités sanitaires n’ont pas répondu à la nécessité de faire campagne pour la vaccination des enfants. Le fait est que cette campagne a essuyé un échec patent et que même les parents n’ont pas été vaccinés. Pour autant, la fermeture des écoles serait l’arme suprême.

Il faudrait, à mon avis, procéder au cas par cas, en fermant les classes touchées. Il faut savoir cependant que cela ne réglera pas le problème, dans la mesure où l’épidémie est dans le milieu familial et dans la rue. Aussi, il ne faut pas se précipiter à jeter tout le monde dans la rue.

- Quelles sont les faiblesses de la stratégie de lutte contre la pandémie, selon vous ?

Le problème essentiel dans la gestion de la crise sanitaire réside dans la pauvreté des tests et l’indigence de la vaccination. C’est ce qui fait que l’on ne sait plus par quel bout prendre cette épidémie.

Sachant que le test de dépistage est cher et qu’il n’est pas à la portée de toutes les bourses, il n’y a pas de visibilité sur la réalité de la situation épidémiologique.

L’analyse des données reste au stade de la supputation. On est ainsi dans l’expectative, méconnaissant la part du Delta et celle de l’Omicron faute de tests de la population générale, tandis que la vaccination est au point mort.

- Assiste-t-on à un chevauchement entre les contaminations au Delta et celles à l’Omicron. Cela risque-t-il de compliquer la situation ?

Il y a aujourd’hui un remplacement de la souche Delta par celle Omicron. Cela a été prouvé dans les pays qui en sont aujourd’hui à leur 5e vague et grandement touchés par l’Omicron : les services de réanimation sont quasiment vides.

C’est peut-être là une chance pour sortir de l’épidémie, car l’Omicron ne conduit pas les malades aux services de réanimation. Cela fait dire aux experts que la contamination rapide devrait accélérer l’immunité collective, sonnant le glas de l’épidémie.

Ce «grand remplacement» de l’Omicron, une souche moins dangereuse que le Delta, pourrait induire un affaiblissement de l’épidémie. Mais il faut savoir que nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle mutation qui pourrait changer la donne.

- Comment analysez-vous le fait qu’en pleine quatrième vague, il y ait encore un relâchement dans le respect des mesures barrières ?

L’un des problèmes constatés dans la lutte contre l’épidémie réside dans la communication indigente et peu agressive. Nous n’avons cessé de demander l’abandon des affiches ridicules au profit d’une véritable campagne de communication et de sensibilisation porteuse d’un élan national et d’une union sacrée.

La lutte contre la pandémie n’est pas uniquement l’affaire des médecins et du personnel soignant, tout le monde doit être sur le pont : les personnalités nationales et sportives, les associations nationales et régionales, les Scouts musulmans, les hommes de religion… Tout le monde doit entonner la même symphonie comme dans un grand orchestre. Les footballeurs auraient pu aussi glisser un mot après la victoire de la Coupe arabe.

Force est de constater qu’il n’y a aucun effort de lutte contre les «fake news» qui ont empoisonné la campagne de vaccination. Cela est paradoxal pour l’Algérie, qui dispose d’un stockage de millions de doses alors que d’autres pays n’ont pas cette chance. Le gouvernement a décidé la mise en place d’un pass sanitaire mais cela n’est pas exécuté sur le terrain.

Ceci dit, il y a quand même une note d’espoir dans la mesure que nous entamons peut-être la dernière ligne droite de l’épidémie. Aussi, il est important que les Algériens ne cèdent pas à l’alarmisme et qu’ils reviennent aux fondamentaux, à savoir le port du masque et le respect de la distanciation physique. Peut-être qu’au printemps prochain, le virus ne sera plus qu’une simple grippe saisonnière…

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