Meurtre d’un des favoris de la présidentielle en Équateur : A qui profite le crime ?

17/08/2023 mis à jour: 06:58
AFP
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Le candidat à la présidentielle en Equateur Fernando Villavicencio quelques jours avant son assassinat - Photo : D. R.

Pour les analystes, ce meurtre a provoqué une onde de choc qui bénéficie avant tout aux candidats promettant d’utiliser toute la force de l’Etat contre les narcotrafiquants. «Le problème de l’insécurité et du crime organisé que traverse l’Équateur était déjà, selon les sondages, la principale préoccupation de la majorité de la population», rappelle Paolo Moncagatta, doyen de la Faculté des sciences sociales de l’université privée San Francisco de Quito.

L’assassinat par balle, à quelques jours de l’élection présidentielle en Equateur, de l’un des favoris du scrutin bouleverse la donne politique, en donnant un coup de pouce aux partisans de la manière forte contre les criminels. Le 9 août, le centriste Fernando Villavicencio a été abattu à la sortie d’un meeting à Quito.

Jamais auparavant, le crime organisé n’avait osé s’attaquer à un homme politique d’un tel statut, et encore moins dans la capitale, jusqu’à présent relativement épargnée par la violence qui frappe la côte pacifique, épicentre des exportations de cocaïne.

Six Colombiens au lourd passé criminel ont été interpellés, tandis qu’un septième a été tué dans la fusillade avec les gardes du corps du candidat. Les commanditaires restent, à ce jour, inconnus, mais l’ancien journaliste d’investigation et membre du Congrès avait récemment fait état de menaces à son encontre par un chef de gang actuellement emprisonné.

Pour les analystes, ce meurtre a provoqué une onde de choc qui bénéficie avant tout aux candidats promettant d’utiliser toute la force de l’Etat contre les narcotrafiquants.

«Le problème de l’insécurité et du crime organisé que traverse l’Equateur était déjà, selon les sondages, la principale préoccupation de la majorité de la population», rappelle Paolo Moncagatta, doyen de la Faculté des sciences sociales de l’université privée San Francisco de Quito. «Evidemment, quand le candidat qui avait un discours très direct contre (la criminalité) est assassiné, cela renforce les candidats qui ont un discours encore plus dur», juge-t-il auprès de l’AFP.

L’ancien vice-président Otto Sonnenholzner (2018-2020) en fait partie, mais surtout Jan Topic, homme d’affaires prospère, ancien membre de la Légion étrangère de l’armée française, qui promet d’éradiquer les bandes criminelles. Surnommé «Rambo», le candidat de l’Alliance pour un pays sans peur propose notamment de construire davantage de prisons, dans le style du gouvernement salvadorien de Nayib Bukele.

Après le débat télévisé de dimanche, les experts et les médias ont désigné Topic comme l’un des gagnants. «Il a été le grand vainqueur», estime le politologue Santiago Basabe, de la Faculté latino-américaine des sciences sociales à Quito. Car parler de sécurité, c’est toucher la corde sensible des Equatoriens. «Les gens sont fatigués de tant de violence (...).

Les enlèvements, les assassinats sur commande sont des crimes qui n’étaient pas courant en Equateur», souligne l’universitaire Saudia Levoyer. L’Equateur a longtemps fait exception en Amérique latine comme un petit havre de paix, mais ressemble désormais à la Colombie sanglante des années 1990 du baron de la drogue Pablo Escobar.

«Correa  assassin !»

Avant sa mort brutale, M. Villavicencio était selon les sondages en deuxième position, derrière l’avocate Luisa Gonzalez, proche de l’ancien président de gauche Rafael Correa (2007-2017), condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption et réfugié en Belgique. Si la loi équatorienne interdit la publication de sondages à la veille de l’élection, tous les analystes s’accordent à dire que le camp Correa a été sérieusement écorné depuis le meurtre. Pour l’influent ancien président socialiste, Fernando Villavicencio était une épine dans le pied.

Journaliste indépendant, il avait révélé l’affaire de corruption pour laquelle il a été condamné. Lors de ses funérailles, ses proches ont crié «Correa assassin !» et sa veuve, Veronica Sarauz, a déclaré, sans présenter de preuves, que l’ancien président avait connaissance du meurtre, l’accusant de «liens avec des bandes criminelles».

«L’image de Correa a été gravement endommagée», constate l’universitaire Levoyer. Depuis son exil, Correa nie tout lien avec les assassins et assure qu’il s’agit d’un «complot» pour enlever des voix à sa candidate. «Normalement, nous devions gagner en un seul tour, mais l’assassinat de Fernando Villavicencio a déplacé l’échiquier électoral», a-t-il commenté. «Nous ne sommes pas si stupides (pour ordonner ce meurtre).

Qui profite de la mort de Fernando Villavicencio ? La droite», a assuré Mme Gonzalez sur un média local. «Il y a évidemment un pourcentage d’électeurs indécis qui pensaient (voter) pour la Révolution citoyenne», le parti de Correa, mais «la mort de Villavicencio (...) les fait réfléchir à deux fois», souligne le politologue Basabe.
 

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