Alors que des jeunes issus de l’échec scolaire prennent leur destin en main, en faisant de cette titubation un tremplin pour mieux bondir, d’autres, à peine sortis de l’enfance et rongés par l’oisiveté, basculent dans la délinquance en s’adonnant à la drogue, aux vols, agressions et autres fléaux, pour se transformer en «grenades dégoupillées».
À qui incomber la responsabilité dans cet état des lieux? Aux parents, parfois démissionnaires, qui n’ont pas su transmettre les bonnes manières, à la société qui a tendance à perdre le sens du civisme ou tout simplement à l’école, sur laquelle est souvent jeté l’opprobre ?
C’est la question que nous avons posée à Messaoud Bekhaled, inspecteur d’enseignement primaire depuis 25 ans. «Le constat est sans appel. Les statistiques du décrochage scolaire vont crescendo. Pourtant les solutions existent pour canaliser toute cette énergie juvénile à travers les centres de formation professionnelle qui offrent d’année en année de nouvelles branches et spécialités suivant la vocation de chaque élève en déperdition scolaire.
Le secteur de la formation professionnelle séduit de plus en plus les jeunes, même les étudiants d’université, motivés par les métiers dispensés et des moyens mis à la disposition des apprentis.
L’État a mis d’énormes moyens pour former et accompagner un élève, et en fin de compte, celui-ci finit par mettre fin à ses études, et c’est regrettable de n’être utile ni pour lui ni pour son entourage. Un seul élève qui ne réussit pas sa scolarité peut se venger de toute la société, en entrainant dans son sillage ses semblables», a-t-il expliqué. Que faire pour y remédier? «Il n’y a pas de solution magique pour y remédier. C’est une affaire qui implique tout le monde, les parents, les enseignants, la société et surtout les sociologues; cette frange, la mieux placée et habilitée pour éclairer et sensibiliser l’opinion et, par conséquent, anticiper ou ne serait-ce que diminuer l’échec scolaire.
D’ailleurs, l’échec scolaire n’implique pas forcément l’échec dans la vie. Il y a des élèves «cancres» mais qui ont pu se ressaisir pour se faire une place au soleil, dans des métiers qu’ils exercent, dans la plomberie, la mécanique, l’électricité, l’apiculture, le sport, dans l’art...un embarras du choix pour avoir un métier d’avenir», a-t-il argumenté. «Il y a aussi des cellules d’écoute et de suivi, commençant par la famille, le noyau de la société, qui doit s’impliquer davantage dans la sensibilisation de leurs progénitures, en leur apprenant l’assiduité pour mieux réussir leur cursus et en leur inculquant une bonne éducation pour réussir, tout court, dans leur vie.
En fait, si des personnes aux besoins spécifiques réussissent bien leur vie et ont démontré leur efficacité dans la société, j’ai du mal à admettre qu’un valide, bien portant et en possession de toutes ses facultés, physique et mentale, sombre dans l’échec sur toute la ligne ?» a ajouté l’inspecteur de l’enseignement primaire.
En outre, le système de passage au palier supérieur, en fonction de la moyenne des trois trimestres pour les élèves de 5e dès l’année prochaine, est susceptible d’impacter l’effort de l’apprenant, qui devient de moins en moins studieux, avec l’émergence des nouvelles technologies qui menacent de fausser ses compétences. «C’est vrai que le système de passage d’un palier à un autre est fait d’une manière un peu hasardeuse, et nous avons constaté cela en 1re année moyenne et 1re année secondaire où il y a plus de redoublants. Cela nous conduit à évoquer une étape cruciale dans le cursus de l’élève, qu’est l’évaluation.
Là encore, il est temps de mettre un terme aux mentalités caduques en appelant les hautes sphères du secteur à revoir la copie de l’évaluation de l’élève et d’en finir avec les notes gonflées. Il y a des études pédagogiques universitaires profondes et sérieuses, traitant des programmes des trois cycles, mais qui restent prisonnières des tiroirs. Il est aussi temps de les valoriser, les décortiquer pour détecter les lacunes, les rectifier pour mieux les mettre en œuvre aux générations montantes», conclut notre interlocuteur.