L’ONU a annoncé avant-hier avoir terminé le transfert de plus d’un million de barils de pétrole contenus dans un vieux navire abandonné au large du Yémen, dans le cadre d’une opération visant à éviter une gigantesque marée noire en mer Rouge.
Vieux de 47 ans, le FSO Safer, longtemps qualifié de «bombe à retardement», n’avait pas été entretenu en huit ans de guerre entre les rebelles Houthis, proches de l’Iran, et le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite. Il menaçait d’exploser à tout moment au large de Hodeida (ouest). «Le secrétaire général (Antonio Guterres) salue le transfert de pétrole du FSO Safer vers le navire de remplacement qui s’est achevé aujourd’hui en toute sécurité, évitant ainsi ce qui aurait pu être une catastrophe environnementale et humanitaire monumentale», a déclaré l’ONU dans un communiqué.
Il s’agit de l’étape «essentielle» de l’opération de sauvetage menée sur le pétrolier FSO Safer, a précisé à l’AFP Achim Steiner, chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Selon lui, ce succès «élimine la menace imminente et immédiate qui était devenue le centre d’attention du monde entier: un pétrolier qui pourrait se briser ou exploser dans la mer Rouge».
Pour Maïn Ahmed, un Yéménite de 49 ans, cette annonce est un soulagement car la potentielle «catastrophe environnementale» que représentait le Safer «inquiétait beaucoup» les habitants de Hodeida. «Je pensais toujours aux risques d’une simple promenade, d’autant plus que je vis près de la côte», a confié à l’AFP ce médecin. «Aujourd’hui, j’ai l’impression que ce poids a été retiré de nos épaules et qu’il n’y a presque plus de danger», a-t-il ajouté.
L’ONU a toutefois prévenu que, même débarrassé de sa cargaison de pétrole, le navire, qui risque toujours de se briser, «constituera une menace (...) pour l’environnement», en raison de résidus de pétrole. La prochaine étape du sauvetage consistera à nettoyer les réservoirs du Safer et à le préparer pour le remorquage et la démolition, opération qui devrait prendre «entre deux et trois semaines», a indiqué M. Steiner. Mais il manque encore environ 20 millions de dollars à l’ONU, et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a exhorté vendredi la communauté internationale et le secteur privé à intervenir pour «terminer le travail et s’attaquer à toutes les menaces environnementales restantes»
Une marée noire aurait fait des ravages sur la faune et la flore, les villages de pêcheurs et les ports essentiels du Yémen, pays déjà plongé dans l’une des pires crises humanitaires au monde à cause de la guerre, avec des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Une telle catastrophe aurait aussi pu perturber le trafic maritime international entre le détroit de Bab Al Mandeb et le canal de Suez, qui mène à la Méditerranée, une zone stratégique pour le commerce mondial.
Port essentiel
Le Safer est amarré au large du port essentiel de Hodeida par où transite une grande partie des marchandises et de l’aide humanitaire dont les trois quarts de la population dépendent.
Le navire vieillissant, dont la coque est rouillée, transportait 1,14 million de barils de brut, soit quatre fois plus de pétrole que l’Exxon Valdez qui s’est échoué en 1989 au large de l’Alaska. Le pétrole a été pompé vers un nouveau navire plus petit, le Nautica, que l’ONU a acheté en mars. Lorsque l’opération a commencé le 25 juillet, les experts ont prévenu que le succès était loin d’être assuré en raison des températures estivales extrêmes, mais aussi des mines marines dans les eaux environnantes.
L’ONU avait même fait en sorte qu’un avion se trouve «dans un rayon de 90 minutes de vol» afin de pouvoir «déployer des produits chimiques depuis les airs» en cas de déversement, a affirmé M. Steiner.
Au total, l’ONU a chiffré l’opération à 143 millions de dollars, une goutte d’eau comparée aux coûts de nettoyage estimés à 20 milliards de dollars qui auraient dû être déboursés en cas de marée noire.