Les Philippines ont accusé hier les garde-côtes chinois d’avoir tenté de bloquer un navire du gouvernement philippin approvisionnant des pêcheurs, rapporte l’AFP, deuxième incident de ce type près d’un atoll en mer de Chine méridionale en une semaine.
Ces incidents se sont produits près de l’atoll de Scarborough, contrôlé par la Chine, mais sur lequel Manille et Pékin revendiquent la souveraineté. Le bateau philippin, le BRP Datu Sanday, approvisionnait en carburant les pêcheurs près de l’atoll lorsqu’il a été harcelé par un navire des garde-côtes et trois autres navires chinois le 22 février, ont indiqué les garde-côtes philippins. Trois des quatre navires chinois se sont approchés à moins de 100 mètres de la proue du Datu Sanday, ont-ils indiqué dans un rapport sur l’incident, mentionnant aussi un brouillage des transpondeurs du navire et d’autres «manœuvres dangereuses».
«Malgré ces manœuvres, le capitaine du BRP Datu Sanday a fait preuve d’excellentes compétences maritimes et a réussi à échapper aux tentatives de blocage», a déclaré Jay Tarriela, porte-parole des garde-côtes philippins pour les questions liées à la mer de Chine méridionale. Une semaine plus tôt, les garde-côtes philippins ont indiqué que ce bateau a eu une altercation similaire dans la zone.
L’atoll de Scarborough, un groupe de récifs et de rochers, est un foyer de tension entre les deux pays depuis que la Chine en a pris le contrôle en 2012. Depuis lors, Pékin a déployé des patrouilleurs qui, selon Manille, harcèlent les navires philippins et empêchent les pêcheurs philippins d’entrer dans son lagon riche en poissons.
Sur les réseaux sociaux, le journal chinois Global Times a écrit samedi que les garde-côtes chinois ont repoussé le Datu Sanday «lorsque le navire a pénétré illégalement dans les eaux adjacentes à l’île chinoise de Huangyan», utilisant le nom chinois de l’atoll. L’atoll de Scarborough se trouve à 240 kilomètres à l’ouest de la principale île des Philippines, Luzon, et à près de 900 kilomètres du point le plus proche de Chine continentale, Hainan.
La Chine revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale malgré les prétentions rivales de ses voisins Philippines, Vietnam ou de Malaisie. Elle a rejeté ainsi le verdict de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye en 2016, qui a estimé que l’Empire du Milieu n’a pas de «droits historiques» sur la majorité des eaux stratégiques de la mer de Chine méridionale et donné raison aux Philippines.
La Chine fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales.
Les Etats-Unis sont inquiets quant au rapprochement opéré par un de ses plus anciens alliés asiatiques avec la Chine durant la présidence de Rodrigo Duterte, entre 2016 et 2022. Ce dernier a opté pour des rapports apaisés avec Pékin en échange de promesses d’investissements dans des infrastructures de l’archipel.
Washington sollicité
L’année dernière, des affrontements entre la Chine et les Philippines autour de récifs revendiqués par les deux pays se sont traduits par des collisions et des navires chinois tirant au canon à eau sur des bateaux philippins. A son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a prévenu qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des Etats-Unis.
Ainsi, il a œuvré à améliorer les relations avec Washington, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte. Les deux pays sont liés par un accord de coopération militaire qui remonte à 1951. Début avril 2023, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan.
Le 11, les deux pays ont entamé des manœuvres militaires conjointes qui dureront deux semaines. Les tensions entre Manille et Pékin se sont exacerbées au début 2023 après qu’un navire des garde-côtes chinois eut prétendument utilisé un laser de qualité militaire contre un bateau des garde-côtes philippins près de l’atoll Second Thomas. Fin avril, la Chine a accusé les Philippines d’avoir «délibérément» voulu provoquer un incident dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale.
Accusation qui fait suite à une collision évitée de justesse entre deux vaisseaux de garde-côtes de chacun de ces pays. Fin septembre, le président Ferdinand Marcos a ordonné une opération spéciale pour démanteler une barrière flottante installée par la Chine, selon Manille, à l’entrée du récif de Scarborough, dont la Chine a pris le contrôle en 2012, aux dépens des Philippines.
Ce dispositif empêchait les pêcheurs philippins d’accéder à cette zone riche en ressources halieutiques. La Chine a réagi en «conseillant aux Philippines de ne pas faire de provocations ni de créer des troubles».