MBS met un Messi dans son moteur

15/05/2023 mis à jour: 23:30
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L’Arabie Saoudite de Mohammed Ben Salmane, alias MBS, aime les devants de la scène et ne lésine pas sur les audaces pour faire parler d’elle. A l’ambition retrouvée de compter comme un leader géopolitique au Moyen-Orient, avec notamment cette prouesse d’avoir brisé la glace avec le rival historique iranien, s’ajoute une hyperactivité diplomatique qui s’appuie sur le sport, le tourisme et la promotion du spectacle pour montrer au monde que le royaume a vraiment changé. 

L’Arabie Saoudite ne veut plus être un synonyme expéditif de la monarchie pétrolière, ni être confinée au prestige symbolique de «Gardienne des Lieux Saints», encore moins se coltiner plus que cela la sombre image de berceau wahhabite. La vision de l’omniprésent prince héritier se déploie vite et il peut déjà se targuer d’avoir brouillé les cartes à l’inattendu rival qatari en le concurrençant sur ses propres recettes de soft power portées, certes, par une débauche de pétrodollars, mais surtout par un entrain diplomatique tous azimuts. Le petit tour effectué récemment au royaume par la mégastar Lionel Messi et la ponctuelle tornade médiatique qu’elle a provoquée ont remis les projecteurs sur la boulimie conquérante de MBS sur tous les thèmes qui peuvent capter l’intérêt du monde d’aujourd’hui. 

Engagé par la royauté comme ambassadeur du tourisme depuis une année, le footballeur est parti accomplir une de ses obligations contractuelles en prenant des photos, en famille, dans des restaurants huppés et des boutiques de luxe à Riyadh City Boulevard. 

Le ministre du Tourisme saoudien  himself a partagé ces moments sur son compte twitter et tant pis si la direction du PSG n’a pas aimé que le maître à jouer de son équipe sèche les entraînements sans avertir. L’affaire ne s’arrête pas là, puisque ce sont les Saoudiens qui prennent la liberté d’annoncer que le dieu des stades a conclu un contrat de recrutement au profit d’un club phare local pour donner le change à son rival Ronaldo sur les terrains du royaume. A eux deux, ils coûteraient pas loin de un milliard de dollars par an aux caisses pleines de la monarchie, mais il est évident que celle-ci n’investit pas seulement en l’occurrence sur la qualité des dribbles des deux multi ballons d’or. 

L’ambition sportive de l’Arabie Saoudite la fait rêver d’une Coupe du monde sur ses terres en 2030 et elle ne compte surtout pas échouer là où les Qataris ont réussi. Les deux joueurs, certes en fin de carrière sur le plan sportif, comptabilisent quelque chose comme un milliard de followers sur les réseaux sociaux, bien plus que toute autre machine médiatique ou de propagande au monde ; leurs audiences respectives vont encore rester intactes pendant quelques années, juste ce qu’il faut pour MBS pour en faire les maîtres à jouer de ses ambitions sportives et touristiques. 

Depuis 2019, soit à peine deux ans après l’accession du prince au rang d’héritier du trône, l’Arabie Saoudite enchaîne les compétitions d’envergure, parfois au défi des conditions climatiques locales. Après les sports mécaniques, avec l’introduction d’un grand prix de Formule 1, de grands tournois de golf, le royaume réussit la gageure d’arracher l’organisation des Jeux asiatiques… d’hiver en 2029. On lui prête également l’ambition d’organiser les Jeux olympiques 2040. Toujours plus haut, plus loin, plus fort. Tout cela se fait sur fond de programmes d’animation mondaine et de spectacles calqués sur les modèles occidentaux les plus tapageurs et jusqu’à récemment voués à l’enfer par le puissant clergé wahhabite.  

Après avoir réglé une grosse part de ses contentieux avec le problématique rival chiite, il reste à MBS de solder l’épisode sanglant yéménite pour se consacrer à la réalisation de sa «Vision 2030». Un mégaprojet futuriste censé révolutionner l’économie, et faire subir au royaume une profonde chirurgie esthétique  pour en faire bien autre chose qu’un gisement géant d’hydrocarbures où il ne fait pas bon vivre. Il compte, pour y arriver, sur des tapis de dollars et des coups d’éclat qui séduisent les jeunes (deux tiers de la population). 

A 37 ans, à peu près le même âge que Messi et Ronaldo, MBS joue et gagne. Pour le moment. 

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